10/29/2010

Voilà, vous la voyez, la fraternité de l'homme

" Je ne vise pas le prix Pulitzer, le prix Nobel, ni aucun prix. Je suis là, dans une petite chambre de Carl street; j'écris une lettre aux gens ordinaires, je leur dis dans un langage simple des choses qu'ils savent déjà. Je fais seulement  un compte rendu et, si je m'égare un peu, c'est parce que je n'ai pas à me presser, et que je ne connais pas les règles. Si j'ai un désir, c'est de montrer la fraternité des hommes. Voilà une déclaration qui n'est pas mince, et cela fait un peu pédant. En général, un homme est honteux de faire une déclaration aussi ambitieuse. Il a peur que les gens sophistiqués rient de lui. Mais cela m'est égal. Je demande aux gens sophistiqués de rire. C'est pour cela que les gens sophistiqués sont faits. Je ne crois pas aux races. Je ne crois pas aux gouvernements. Je vois la vie comme une vie à la fois, tant de millions simultanément sur toute la surface de la terre. Les bébé à qui l'on n'a pas encore appris à parler dans une langue, voilà la seule race de l'homme; tout le reste est mensonge; c'est tout ce que nous appelons "civilisation, haine, peur, volonté de puissance..." Mais un bébé est un bébé. Et la façon dont il pleure, voilà, vous la voyez, la fraternité de l'homme : des bébés qui pleurent. Nous devenons grands et nous apprenons les mots d'une langue, et nous voyons l'univers à travers la langue que nous connaissons; nous ne la voyons pas à travers toutes les langues, ou bien sans langue du tout- à travers le silence par exemple- et nous nous isolons dans la langue que nous connaissons. Par ici, nous nous isolons en anglais, ou en américain, comme dit Mencken. Toutes les choses éternelle, les voilà dans nos mots. Si  j'ai quelque chose à dire, je peux parler un langage plus universel. le coeur de l'homme, cette partie de l'homme sur laquelle l'ont n'a pas écrit : voilà ce qui est éternel et commun à toutes les races."
William Saroyan, extrait de la nouvelle Soixante-dix mille Assyriens, L'audacieux Jeune Homme au trapèze volant, Le Serpent à Plumes.
(Première édition en 1934)

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