3/08/2013

EUX (2)


(...)

Il y a les deux boiteux. Les deux fragiles. Des bambins séculaires. Des vieillards nourrissons. Un homme et une femme. Lui lunette. Elle coupe Mireille Mathieu. L’un jamais loin de l’autre. Clopinent dans la ville. Pantalon remonté haut. Veste fermée jusqu’au dernier bouton. Un couple. Ou frère et soeur. Non, c’est un couple. Voilà cinquante six ans qu’ils songent à s’embrasser à la cantine.

Il y a le graillon qui se bécote des lardons directement dans leur boite. Et qui taxe et qui taxe. Des euros ou des clopes. Des moments au bistrot. Des petits bouts crues de plaisir. Des gros mots. Depuis quelques temps il est sur un fauteuil roulant.

Il y a l’homme escargot. Une boule de vieillesse qui porte toujours un énorme sac poubelle. Il arpente la lumière et récolte ce qui traîne. Les bouchons. Les papiers. Les bouteilles. Les mégots. Monsieur gastéropode nettoie le monde. Le sillon de sa bave fait briller les jours sales.

Eux ne sont pas salauds. Ce sont des chiens perdus. Des enfants puants ensevelis sous des couches de chair morte à force de n’avoir pas été dite. Ils sont la langue perdue. Les innocents pourrissants. Le mauvais sang du village. Ils sont le sourire tordu de la nuit. Les remugles édentés qui s’effilent autour de nos miroirs.

2 commentaires:

Laure a dit…

Bonsoir,
Je trouve vos mots superbes. Je viens de lire votre premier roman et j'ai été bouleversée par vos écrits. Je ne sais pas si j'ai saisi votre récit comme vous vouliez l'écrire, mais il a résonné en moi de la manière dont je l'ai perçu. Ce n'est pas évident d'en parler justement quand il amène tant d'émotions. Merci Monsieur Vinau. Au plaisir de vous lire encore.

thoams a dit…

merci...