(...)
Il y a les deux boiteux. Les deux
fragiles. Des bambins séculaires. Des vieillards nourrissons. Un homme et une
femme. Lui lunette. Elle coupe Mireille Mathieu. L’un jamais loin de l’autre.
Clopinent dans la
ville. Pantalon remonté haut. Veste fermée jusqu’au dernier
bouton. Un couple. Ou frère et soeur. Non, c’est un couple. Voilà cinquante six
ans qu’ils songent à s’embrasser à la cantine.
Il y a le graillon qui se bécote
des lardons directement dans leur boite. Et qui taxe et qui taxe. Des euros ou
des clopes. Des moments au bistrot. Des petits bouts crues de plaisir. Des gros
mots. Depuis quelques temps il est sur un fauteuil roulant.
Il y a l’homme escargot. Une
boule de vieillesse qui porte toujours un énorme sac poubelle. Il arpente la
lumière et récolte ce qui traîne. Les bouchons. Les papiers. Les bouteilles.
Les mégots. Monsieur gastéropode nettoie le monde. Le sillon de sa bave fait
briller les jours sales.
Eux ne sont pas salauds. Ce sont
des chiens perdus. Des enfants puants ensevelis sous des couches de chair morte
à force de n’avoir pas été dite. Ils sont la langue perdue. Les innocents
pourrissants. Le mauvais sang du village. Ils sont le sourire tordu de la nuit. Les remugles
édentés qui s’effilent autour de nos miroirs.
2 commentaires:
Bonsoir,
Je trouve vos mots superbes. Je viens de lire votre premier roman et j'ai été bouleversée par vos écrits. Je ne sais pas si j'ai saisi votre récit comme vous vouliez l'écrire, mais il a résonné en moi de la manière dont je l'ai perçu. Ce n'est pas évident d'en parler justement quand il amène tant d'émotions. Merci Monsieur Vinau. Au plaisir de vous lire encore.
merci...
Enregistrer un commentaire