2/25/2014

Pourquoi pense t-on toujours aux absents lorsqu'il pleut ?

Elle s'est levée à quatre heures. Et puis à cinq. Et puis à six, définitivement. La maison est noire. Grande. Le noir est grand. Elle est seule maintenant. Dans la chambre du bas. Elle avance à tout petits pas. Traverse le salon, le couloir, la cuisine. Son visage est gonflé et froissé par le mélange de fatigue et de sommeil. Comme un gros bourgeon de coquelicot. Elle a mal à l'épaule gauche, et à la hanche, et au genou. Les trois sont en titanes. Les douleurs sont plus présentes depuis qu'il n'est plus là. Maintenant elle a le temps d'avoir mal. Longtemps. Elle remonte les volets électriques. Appuie sur le bouton de la cafetière, ça fera plaisir à son fils qui lui amène le journal. Les petits enfants sont dans la maison juste à côté, il passeront l'embrasser avant ou après l'école. Elle n'a rien de prévu aujourd'hui. L'infirmière, le type des surgelés, un peu de ménage et puis c'est bon. Elle regarde le fond du ciel en buvant son thé. De toutes petites gorgées grises et chaudes. Il pleut. Tout le paysage est trempé. Pourquoi pense t-on toujours aux absents lorsqu'il pleut ? Elle n'a pas envie de lui parler dans sa tête en regardant la boue se mélanger à la pluie. Elle voudrait se souvenir en dansant. En riant. En étant belle. Un sourire et un soupir se confondent. Elle va cuisiner aujourd'hui. Tant pis pour l'arthrite. Poivrons grillés, salade juive, pizza aux anchois, blanquette de veaux, haricots à la graisse d'oie, mouna. Elle va faire rissoler sa mémoire. Les odeurs de cuisine arrivent jusqu'au ciel.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'adore. très beau.
Marmotte ;)

La Mère Castor a dit…

- les odeurs de cuisine arrivent jusqu'au ciel.

Il y a longtemps que je n'avais lu des mots si justes.

thoams a dit…

Marmotte et Castor, merci