La
légion invisible ou le vengeur démasqué (Pour Pierre
Autin-Grenier)
J'ai d'abord
découvert Pierre par ses livres. Par ses mots (Il y a bien une forme
de justice finalement). je ne sais plus vraiment où. Je crois que
j'ai dû tomber sur Toute une vie bien ratée ou sur
L'éternité est inutile chez Sauramps ou à la Fnac de
Montpellier quand j'étais étudiant, à moins que ce ne soit dans
une revue dénichée à la Comédie du livre peut être Salmigondis
ou Décharges ... Les plus belles rencontres avec les livres
se font comme cela, par hasard. Comme avec les hommes. C'était chaud
et noir, c'était doux et ça creusait sec, avec l'air de ne pas y
toucher. J'ai pensé à Brautigan, à Céline, à ces auteurs qui
chantonnent en marchant tout au bord du gouffre. Je trouvais cela
tout à la fois très réaliste, drôle et triste, quotidien, aux
pieds du réel et en même temps qui nous projetait loin, qui nous
portait large. Lucide mais où tout est encore possible. Pointu mais
pas étroit. A partir de ce moment je suis devenu un lecteur de
Pierre, et, comme avec Richard Brautigan ou Jean-Claude Pirotte, (ils
ne sont pas si nombreux), le membre d'une nouvelle famille, l'initié
d'une société secrète. Il y a quelques artistes comme ça dont on
n'a jamais vu la bobine ou goûter l'haleine mais qui, dés qu'on
rencontre leurs oeuvres se creusent une place définitive tout près
du coeur, là où l'on mets les vrais gens que l'on aime pour de
vrai. Et c'est comme si eux nous adoptaient.
Un jour j'ai eu le
courage de lui écrire, c’était en 2008 je crois, une lettre
ouverte qui l'a fait rire et petit à petit un échange simple,
modeste s'est instauré. De livres en livres. De lettres en lettres.
L'auteur écrivait à hauteur d'homme, j'ai découvert que le
bonhomme était un humain au niveau de ses livres. Mon fils a reçu
une lettre de lui, ornée de sa belle écriture à la plume noire,
avant de naître. Nous ne parlions pas trop cuisine littéraire
pourtant il reste une boussole pour moi. Son parcours honnête,
réfractaire, lucide. Son rapport artisanal à l'écriture. Sa
tendresse et son humour. Son élégance jusqu'auboutiste. La vie aura
décidé que nous rations avec une certaine constance chaque occasion
de nous rencontrer. Tant pis, peu importe. Ne pas se rencontrer ça
n’empêche personne de s’aimer.
Pierre Autin-Grenier
à la mine de rien et tout en traînant les savates, a monté une
légion invisible, une fraternité de bras cassés, écrivains,
lecteurs, peintres, libraires, piliers de bar, charcutiers et
ramasseurs d'olives, quels qu'ils soient, une Caravane
Pépère esseulée et déboussolée, adepte de sa récalcitrante
élégance. Et toutes ces mauvaises herbes se sont senties moins
seules, et moins bernées, crédités de quelques instants de plus,
rassasiés de commune beauté. Consolés peut être.... Vengés
aussi... un peu.
Thomas Vinau - 25 Novembre 2014
Thomas Vinau - 25 Novembre 2014
3 commentaires:
Je ne connais pas encore cet auteur que tu donnes très envie de lire. Merci beaucoup pour ce chaleureux et généreux témoignage
viens de découvrir votre excellent blog en cherchant PAG ... sur le dernier (postface de vous que je viens de finir, le deuxième texte me fait penser à un vieux poème (mien) que je me permet de vous soumettre...
Je n'ai rien vu du monde
de la beauté des Andes
aux jardins d'Alicante
je n'ai rien vu du monde
je n'ai pas vu l'Asie
les bleus d'Océanie
les verts d'Amazonie
et les glaces des pôles
je n'ai point vu les steppes
de la désolation
les savanes brûlées
les taïgas gelées
je n'ai connu ni Nil
ni Mékong ou Danube
seul le Mississippi
et son blues du delta
ni Finlande boisée
ni Sibérie transie
à peine ai-je essuyé
les grands froids du Jura
sur l'arête du monde
je ne suis point monté
les pics d'Himalaya
ne m'ont pas essoufflé
dédales de Pétra
de Grèce ou bien d'ailleurs
aucun n'a égaré
mes pas de promeneur
je n'ai pas sillonné
le puzzle africain
entrelacs de passions
de splendeurs et d'histoires
j'ai à peine goûté
au sable du désert
à son sel d'aventure
pour ma soif d'infini
je n'ai touché du doigt
aucun bouddha mythique
ni palais de roman
ou peuple de légende
j'ai effleuré la Chine
et la mer du Japon
en baladant ma main
sur une lampe-globe
je n'ai pas admiré
ces archipels d'éden
ces oasis bénies
ou le repos est roi
Salomon, Kerguelen
Lofoten ou Maldives
pas une île enchantée
n'a ravie ma paresse
je n'ai pas navigué
sur l'océan des flots
où la vague murmure
des langues inconnues
apprenti Magellan
mes vaisseaux n'ont vogué
que dans l'eau savonneuse
de ma salle de bain
je n'ai pas reniflé
l'humus des antipodes
ou les embruns cinglants
de la Patagonie
des tribus de sauvages
j'en ai point rencontré
ou alors les cols blancs
des rois de la finance
car bien des cannibales
se parent d'un costume
et leur seul exotisme
est dans leur compte en banque
je n'ai pas partagé
la soupe et le croûton
dans un estaminet
d'orient ou d'occident
avec des compagnons
affamés et affables
dont la vie est si rude
le sourire si doux
j'ai voyagé si peu
que sur la peau du monde
mes pérégrinations
sont un caca de mouche
j'ai juste découvert
au fond de mon jardin
un bouquet de morilles
un collier de rosés
j'ai seulement croqué
dans la tomate fraîche
et plongé mes narines
dans la sauge embaumée
le regard à l'affût
j'ai couru bien des bois
pour de belles récoltes
fort peu mycologiques
je n'ai fait qu'emprunter
les routes du hasard
et je l'ai ai rendues
à de curieux piétons
j'ai souvent trottiné
sur le sentier des fleurs
que le regard devine
dans les près sans limites
au détour d'un faubourg
mes pas se sont perdus
où était cette impasse
où barbotait le crime ?
Que n'ai-je retrouvé
ces phobies de l'enfance
le taillis tout là-bas
la grotte du défend
.... suite au prochain commentaire
...voici la suite, si vous la voulez...
j'ai su vagabonder
de visages en visages
siroter l'amitié
comme un vin de Hongrie
l'esprit hospitalier
j'ai fait couler les vins
pour les gorges asséchées
des amis de passage
j'ai fait fuser les rires
en mettant une plume
dans la partie charnue
de l'indien d'opérette
c'est bien ce que je suis
je ne m'interdis rien
pour que naisse le rire
et je m'abaisse à tout
aussi grand que l'on soit
nul ne cueille l'étoile
mais celui qui se baisse
a le joli caillou
je n'ai guère arpenté
les chemins de traverse
ou la raison se perd
et l'âme un peu avec
mes seules rêveries
m'ont emmenées plus loin
que les fusées factices
des faiseurs de miracles
bien qu'étant immobile
mon esprit bourlinguait
pareil au grand oiseau
dans son vol migratoire
qu'importe le trajet
la poussière des routes
seuls comptent les élans
que l'on a dans la tête
les rêves de voyage
ou les voyages en rêves
épuisent bien des jambes
et peuplent bien des nuits
que manque-t-il au juste
au voyageur sur place ?
l'odeur crue des lointains ?
la cuisine exotique ?
Un regard indigène ?
Le carillon d'un rire ?
rien de rien que n'oublie
la floraison sous crâne
quand l'imagination
sort ses ailes de soie
son vol est sans frontières
dans l'azur des possibles
je reste donc chez moi
aux yeux sont mes valises
car c'est eux qui m'emportent
aux belles latitudes
dans un songe léger
je baigne sans remous
un verre bien rempli
me sert de carburant
quel périple inédit
me transfigurerait
quand tout autour de moi
suffit à mon ivresse ?
de tous les paysages
le seul qui me retient
c'est celui de ton corps
où ma quille est ancrée
la vraie consolation
est dans ton nid d'amour
dans l'anse de tes bras
ou l'infini s'entrouvre
je n'ai rien vu du monde
j'avais la tête ailleurs
je n'ai fait que passer
je n'ai rien vu du monde
... désolé pour mes visites irrégulières, je suis actuellement en arrêt longue maladie (brûlures).
félicitations pour votre beau site.
j
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