2/09/2015

Morsure

Le monde me mordait. Et ça brûle les yeux. Et ça creuse le ventre. Çà déforme tout ce qu'on touche. Çà tord. Çà dégueule. Çà bouche. Çà bouche et ça étouffe. Alors on attrape un mot. Parce que c'est le plus facile. Parce que c'est tout ce qu'on a. Comme le prisonnier dans sa cage sauvé par un noeud dans le bois. On attrape un mot et un  autre. Un trait noir quelque part. Quatre signes. Un dessin. Et c'est ça qui nous sauve. Et c'est ça qui nous tient. Uniquement ça. Même au milieu du noir. Même au fond de la mine. Une odeur passe. Un rayon. Un souvenir. Un sourire. Les muscles se retendent. L'histoire recommence. Va demander à Primo Lévi, à Nazim Hikmet, à Matoub Lounés ou à Erri de Luca si les mots ne sauvent pas. Les mots mordent le monde. Si on nous les arrachent ils remplacent nos dents. Le pire c'est après. Lorsque plus rien ne fait saigner.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

La poésie est ce dont l’homme - même s’il l’ignore ou feint de l’ignorer - a le plus besoin pour tracer au flanc du monde la cicatrice de sa dignité. La poésie : un vertige permanent entre la lune et le gibet.

Extrait de "poésie urgente". On ressens comme une urgence dans ton texte à trouver des mots.

Anonyme a dit…

Pardon, l'auteur est André LAUDE.