10/22/2017

Combien ça pèse un mot ?

 


 Il y a des paysages dans les livres et des livres dans les paysages. J'en ai quelques uns dans le sac, d'autres dans la tête. Moi qui parle peu je ne me tais jamais vraiment. Il faudrait que j'écrive et que je pense à deux ou trois choses intelligentes à dire pendant les rencontres en librairie qui s'annoncent. Théoriser mon coeur. Mais je préfère couler dans mon siège - place 82, voiture 3, train 5378 - et lire le grand pays du ciel à travers la vitre sale. Je fais finalement l'effort d'écrire ces lignes pour m'en débarrasser. Les mots sont mon principal médium pour recevoir le monde. Piste d'élan, matelas d'atterrissage, salle de désinfection, réception satellitaire. Les mots tout emmêlés de sensations, tout englués d'émotions confuses. La plupart du temps ils réduisent la distance, me rapprochent de la matière glissante, de la langue de la bête dans les sables mouvants. Mais parfois ils m'éloignent, m'encombrent, m'entravent. Je n'en veux plus. Je suis rempli de vous, d'amour et de haine. Vide de mot. Enfin. Une fatigue délicate coule dans mes veines. Une bonne dose d'absence. L'instinct. Le ventre plein du monde. Mes yeux se perdent à l'horizon fuyant, avec peut être quelque chose de la paix d'un chien ou d'une grenouille, d'une mouche ou d'une feuille dans le vent. Je peux enfin me taire.



3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ça laisse sans voix aussi ce que tu ecris !

Anonyme a dit…

J'ai repesé mes mots et je voudrais rectifier mon commentaire précédent ;

"Ce que tu écris me laisse aussi sans voix !"

Anonyme a dit…

Sensation

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,

J'ai repensé cet après-midi en me remémorant ton texte de ce matin à ce poème, l'issue est le même que dans ton poème, "Je ne parlerai pas... j'irai par la nature, heureux..."
et "Mes yeux se perdent à l'horizon fuyant, avec peut être quelque chose de la paix d'un chien ou d'une grenouille, d'une mouche ou d'une feuille dans le vent. Je peux enfin me taire."



Sensation

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme.

Arthur Rimbaud