6/25/2021

La belle et les macaques

 J'ai le souvenir de cette chanson, après une traversée nocturne de Mardi gras. Il ne restait que quelques lambeaux des déguisements que nous avions passé plusieurs jours à confectionner. J'avais fabriqué la tête géante en ferraille et en papier mâché d'une idole Vaudoo. Pas facile à garder sur le visage plus de quelques minutes. Je ne sais pas où elle avait terminée, en haut d'un poteau à surveiller nos vices peut être. J'espère qu'elle y est toujours. A l'aube, les quelques survivants avaient remonté ensemble le boulevard, classieusement défaits. Costumes dépenaillés, chemise ouverte, crasse séchée mêlée de maquillages, remontées de champignons, suants et décoiffés. Les passants nous avaient croisé avec des yeux hallucinés. Ce que nous étions aussi mais pour d'autres raisons. C'était nous, la horde dégénérée qui avait vaincu la nuit. Atteins l'autre rive. C'était nous les regards de rues sales après le carnaval et l'or des trottoirs souillés. Nous connaissions la marche du jour trop sérieux. Il mettait déjà en ordre ses brigades. Eboueur, boulanger, maraîcher, facteur. Les vigies de la vie, ceux sans qui tout s'écroulerait. Mais nous, nous roulions. Nous passions entre les mailles. Aux coulées multicolores de maquillage délavé sur nos visages blêmes. Effrayants travestis du grand charivari. Nous les macaques on s'était fait la belle. On s'était évadé pendant que vous dormiez. Dans les caves, dans les sounds-systems dans les appartements, sur les toits, dans les voitures, sur les parkings, sur les plages, sur les places. Partout et n'importe où. N'importe comment. On s'était fait la belle. Roi déchus nous trônions sur les décombres du temps.

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