Parfois j'ai peur qu'il n'y ait plus aucun mot à l'intérieur de moi, de me retrouver comme l'enfant que j'étais, enfermé, tout seul, dans le noir dedans. J'ai peur de ne plus rien trouver, plus de poisson, ni de marteau, ni de gourmand, ni de brouillard, ni de cheveux. Qu'il n'y ait plus de loup, plus d'orage, plus de forêt, plus d'enfant, ni de rivière, ni de saison, de hérisson, de train, de feu, de pluie, de crépuscule, de poule, de paysage, ni de légume. Plus de tableau, plus de chevaux, ni de ruelle, ni de dimanches, ni de gâteau, ni de vélo. Plus de neige, ni de soleil, plus de vent, de sourire de fille ni de flèche, ni de cerf, ni de fleur d'abricot. Alors je m'assoie devant ma table et je plonge à l'intérieur de moi. J'enfonce la main et je les sors, un par un. Poisson, marteau, gourmand, brouillard, cheveux. Loup, orage, forêt, enfant, rivière, saison, hérisson, train, feu, pluie, crépuscule, poule, paysage, légume, tableau, chevaux, ruelle, dimanche, gâteau, vélo. Neige, soleil, singe, vent, sourire, fille, flèche, cerf, fleur d'abricot. Je les étale sur la table pour les admirer, les toucher, les serrer contre moi, pour vérifier qu'ils sont bien là et puis je les ravale, un par un, en espérant garder leur goût à nouveau.
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