9/15/2020

ça sent quoi ?

 L'ombre de la maison garde les parfums d'un feu éteint. Je m'y sens bien. Dehors il y a les bruits du jour un peu de vent et les gens qui font ce qu'ils ont à faire pour atteindre le soir. Les trimards font les trimards et les flics font les flics et les crevards font les crevards et les enfants font les enfants. Tant bien que mal, masqués craintifs, agressés agressifs, les hommes tournent en faisant tourner leurs mondes.  Tout à l'heure j'irai chercher les petits à l'école avec ma panoplie de masqué-craintif-agressé-agressif, mais pour l'instant c'est facile, mon boulot c'est d'être présent au monde. Je traverse des murs de rêves et de livres, creuse des galeries, trouve des refuges entre le réel et moi. J'alterne chaque jour entre fuir et être là, c'est mon boogie-woogie perso. Fuir ou être là, mais deux fois plus pour chaque pas.  Fuir loin et profond dans des broussailles de songes, des musiques d'histoires fabuleuses, à travers l'espace et le temps. Puis être là où je suis, ici et maintenant, pour regarder avec mes deux yeux, écouter avec mes deux oreilles et  ressentir avec mes deux cœurs (comme Jules Mougin) pour ceux que j'aime et ceux qui ne peuvent pas. En ce moment ma stratégie de survie vacille légèrement pourtant. J'ai le boogie-woogie chancelant. Le réel et la fiction se touchent d'un petit peu trop près. Il y a comme des fuites et des infiltrations. J'arrose les plantes et voilà qu'il est question à la radio de méta-incendie.  Le chien se lèche et on attend les nouvelles annonces alarmantes pour le nouveau virus. Les rappeurs sortent leurs blases sur des masques de protection.  Les figues pourrissantes sentent un peu l'alcool, l'herbe commence à repousser. Il paraît  que des nuées de moustiques affamés de l'autre côté de l'Atlantique tuent des vaches et des cerfs. Je suis là où je suis et je regarde. Les odeurs se mélangent. Des déchets traînent sur le trottoir, des jeunes rigolent. Le chocolat fond dans ma main et la trottinette est prête pour la sortie des classes. Le monde est encore beau. Malgré tout. Malgré nous ou grâce à nous je ne sais plus trop. Mais je suis là où je suis et je regarde. J'ai un peu peur oui. Pas de ce qui est perdu mais de ce qu'il restera. Apprends moi un tour de magie fiston, le soir sent toujours bon.

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