5/10/2021

 J'ai aimé mettre Le Concerto de Aranjuez de Miles David dans le matin sans lumière. J'ai aimé confondre les crépitements du disque avec ceux du feu. J'ai aimé entendre les roulements puis les galops de la pluie dehors qui fouettait l'herbe et entrait de force sur le palier. J'ai aimé aller chercher trois buches en courant, l'eau froide dans la nuque, sur les cheveux, le dos et les épaules. J'ai aimé me mouiller. J'ai aimé les poules affamées qui me suivaient au trot, les voir se ruer sur les vieilles spaghettis pendant que je ramassais trois œufs encore chauds dans ma main. J'ai aimé les volets qui claquaient dans le vent, l'obscurité fraiche et grondante qui s'installait, qui recouvrait tout, rendant l'espace moins grand, le ciel moins loin, le vide moins effrayant. J'ai aimé sortir de mes pensées, de mes ruminations courtes pour être là, les yeux à la hauteur des mains, tête mains pieds et poitrines alignés. J'ai aimé être verticale, sur la terre, dans l'air frais, debout, entre la pluie le disque et le feu. J'ai aimé revenir là, sur terre, maintenant. J'ai aimé imaginer ce que vous faisiez précisément à ce moment. Essayer de sentir vos sensations. Essayer de vous rejoindre, de nous relier par ces sensations. Et puis quitter à nouveau mes pensées pour revenir là, sur terre, maintenant, entre la pluie le disque et le feu. J'étais seul et je ressentais simplement que j'étais vivant.

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