LMDF Reparlons un
peu de vos « copains »… Vous convoquez assez
régulièrement les auteurs que vous aimez dans vos poèmes, mais
vous le faites souvent à la bonne franquette, sans vous appesantir.
En quoi est-ce important pour vous, cette présence, cette
circulation ?
Th.
V. Ce sont des ombres
bienveillantes, qui m’ont aidé, qui m’ont nourri. Il y en a dans
tous les domaines. Il s’agit de les partager, d’être un
complice, un maillon de cette chaîne invisible de partage. Le marché
noir de la beauté. Après, pour ce qui est de la transmission, c’est
une question de goût, je n’aime pas qu’on m’introduise de
force des gros morceaux dans la bouche en disant : « Mâche,
c’est délicieux. » Et j’essaie de ne pas faire ce que je
n’aime pas qu’on me fasse.
LMDF Parmi les
auteurs qui vous sont chers, l’un de ceux qui semblent se démarquer
est Richard Brautigan. Qu’est-ce que vous pouvez nous en dire ?
Quelle histoire avez-vous eu avec lui, avec ses textes ?
Th.
V. Découvrir un livre de Brautigan,
c’est se faire un ami. C’est ainsi. Il y a dans sa langue, dans
sa fantaisie écorchée, dans son humour, dans son désespoir, dans
son inventivité, dans sa simplicité, tout ce qu’un lecteur
cherche en ouvrant un livre. C’est un avant-gardiste modeste, un
poète farfelu, un homme qui a beaucoup souffert. Un humain si seul
que l’on n’est plus jamais seul lorsqu’on est avec lui, dans
ses mots. Lire Mémoires sauvés du
vent il y a quinze ans a bouleversé
ma conception de l’écriture. Tout est permis, il suffit de mettre
autant de sincérité que de distance. Il suffit d’être vraiment
là où l’on est pour pouvoir ne plus y être du tout.
LMDF Pouvez-vous
nous dire un mot encore des deux dédicataires de votre dernier
roman : Jean-Claude Pirotte et Pierre Autin-Grenier, tous deux
disparus l’an dernier ? En quoi leur écriture vous touche-t-elle ?
Th.
V. Ce sont des modèles, des
boussoles, des amis, des pères. Leur chemin d’écriture est
exemplaire ; libre, iconoclaste, honnête. Ce sont de vrais
réfractaires. De vrais artisans de l’art aussi. Écrire à la
hauteur de sa vie et vivre à la hauteur de ce qu’on écrit. Ni
plus ni moins. Comme chez Brautigan mais à leur manière, il y a
dans chacun de leurs livres humour noir, réalisme, sincérité,
invention. Ce sont de vrais poètes, loin de toutes les branlettes
d’écoles, de statuts ou de milieux. Ils m’ont lu, conseillé,
pris sous leurs ailes. Ils me manquent.
LMDF Votre poésie
donne souvent l’impression de se placer dans le fil des jours, de
fonctionner un peu comme un journal qui tairait son nom. Quel rapport
votre écriture entretient-elle avec le quotidien ?
Th.
V. Un rapport quotidien justement.
J’essaie d’écrire un peu tous les jours, autant que possible. Le
rapport à la note, à la chronique, au journal de bord est un bon
point de départ. Ça ne réduit pas le champ des possibles. C’est
un socle, un socle de réalité à partir duquel tout est à
inventer. Ce ciel, ce moment de rien, cette odeur, ce détail de la
farce. Ici et maintenant. Il y a déjà tout dans le quotidien, la
poésie, la fantaisie, l’horreur. Développer d’abord son acuité
plutôt que son imaginaire. Ensuite, tout est permis.
(...)
Le reste et plein d'autres choses fabuleuses là : La moitié du Fourbi
(Merci à Frederic Fiolof pour l'attention et la bienveillance)
(Merci à Frederic Fiolof pour l'attention et la bienveillance)
2 commentaires:
J'ai horreur de cette expression, mais à force de l'entendre, je la répète et puisque tout est permis... Ton interview est "trop bien". C'est bien que tu l'ai publié, on dirait qu'elle était écrite à l'avance tant les mots tombent justes. Tant les mots pèsent leur poids (je reprends ton image, les mots ont un certain poids disais-tu.) Ah oui, vraiment très bien, nickel. J'aime ce "ensuite tout est permis", il me rappelle la phrase de Duras dans écrire qui après avoir racontée la mort d'une mouche déclare "on n'a le droit de le faire". Phrase que j'ai mis en exergue de mon blog. Tu cites des écrivains qui t'on donné l'envie et encouragé à écrire, saches que tu en ai pour moi . Je me souviens d'un petit matin un peu plus tard qu'aujourd'hui quand même (Vincent vas te recoucher!) où à la suite d'un faux commentaire, j'y parlais de choses n'ayant aucun rapport avec ton post, que j'avais posté sur ton blog, je m'étais dis, "mais pourquoi squatter le blog de Thomas ?" et dans la foulée j'ai créé Comme un cheveu sur la soupe, qui est devenu Comme un cheveu, tu en est un peu le parrain pour moi, un parrain pétri de gentillesse et de talent. J'ai cru comprendre que l'enfant est arrivé en janvier et que ça va. Je lui souhaite une belle vie.
Merci Vincent. Longue vie au cheveu dans la soupe. Je t'embrasse toi et les tiens
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