Pas d'inquiétude
tout va bien
n'ayez pas peur
ne vous inquiétez pas
vous n'avez pas de raison d'avoir peur
nous ne craignons rien
puisque nous n'existons pas
ETC-ISTE
Mots/ textes/ poèmes/ miettes/ poussières/ brindilles/ vétilles/ et autres broutilles. - ( ISSN : 2267-3954) -
9/18/2024
Pas d'inquiétude
Bleu sang
Qui peut le moins peut le moins
9/12/2024
QUI PEINT L’HOMME ET LE SINGE - Paul Valéry, Mauvaises pensées
" Le grand singe Colombien, quand il voit l’homme, fait aussitôt ses excréments et les lui jette à pleines mains, ce qui prouve :
qu’il est vraiment semblable à l’homme
et qu’il le juge sainement.
M. de Loys riposte à ces volées de matières usées par des coups de fusil. La grande guenon tombe. (Le mâle fuit.)
L’homme sapiens la relève, observe et mesure le clitoris de longueur admirable, redresse le cadavre et en fait une belle photographie1."
1 Cf. Remarques sur l’Évolution des Primates Sud-Américains par L. Joleaud. (Revue Scientifique, 11 mai 1929.)
Littérature, Paul Valéry, Mauvaises pensées
"Il doit observer comme s’il ignorait tout et il doit exécuter comme s’il savait tout.
Aucune connaissance dans la sensation, mais aucune ignorance dans la transformation.
Les Optimistes écrivent mal.
X est une force de la nature.
— Ce qui caractérise les forces de la nature, c’est la déperdition.
Z s’est établi dans le génie tel qu’on se figure le génie dans les esprits vulgaires.
Il interpelle, foudroie, extermine. Se promène à grands pas dans la petite chambre de son esprit. Il ne voit que ses pas, mais non la petitesse de la chambre.
Écrivains sonores – violents.
Un homme tout seul dans sa chambre jouant du trombone.
Un écrit forcené, chargé d’invectives, comme ivre de violence et riche d’épithètes et d’images foudroyantes me donne une envie invincible de sourire.
C’est que je ne puis m’empêcher de voir l’écrivain se rasseoir à telle heure à sa table et reprendre le fil de sa fureur."
Paul Valéry, Mauvaises pensées
9/08/2024
Automne chéri
9/06/2024
Écrire la journée d'une main
Écrire la journée d'une main. Chaque geste, du réveil au sommeil. Ce qu'elle aura touché, caressé, tenu, lâché, gardé, serré, brisé. Là où elle se sera écorchée et abîmée. Ce qu'elle n'aura pu ou voulu retenir. Le silence dans les poches. Les odeurs que les doigts auront su emporter avec eux, les matières et les températures. Leurs places, le long du corps, leurs mouvements. Ce qu'elles auront appris à faire, ce qu'elles feront avec plus ou moins d'habileté. Leurs postures, la position des doigts suivant l'activité. Les tics, les petites mécaniques auxquelles elles participent, le grattement de barbe lorsque l'on réfléchit, le craquement des articulations, l'excursion dans la bouche ou dans le nez. Les petits endroits louches où elles vont se fourrer. Leur frottements sur les vitres des écrans. Ce qui les adoucit et ce qui les rends rêche. Ce qui les parfume, les souille. Comment on les néglige ou en prend soin. Comment, qui, empoignent-elles et pourquoi. Écrire la journée d'une main et voila tout l'humain derrière.
8/31/2024
8/30/2024
La petite prière
On ouvre la fenêtre, la terre est douce aux pieds et puis le monde est calme. On pourrait presque voir les arbres grandir, les plantes s'étendre, les serpents se chauffer. A croire que quelque chose est en marche. A croire que nos yeux s'ouvrent avec ce quelque chose. Voilà, ce doit être cela, le jour fonctionne et nos yeux s'ouvrent. Mine de rien c'est inespéré. On irait bien crapahuter quelque part, caresser le front d'une vache ou bien se rouler une cigarette serrée tout en haut d'un arbre. On irait bien à l'entrée de la ville manger des mures tièdes en regardant balancer les robes des filles qui traversent le pont. On pourrait avant de partir aérer son vieux lit, et puis en passant trouver un bout de fromage et acheter le journal pour n'y lire que la dernière page. On pourrait se dire que tout roule après tout et, qu'une fois sorti pimpant de la salle de bain, tout recommence sans fin. Car même si aucun mot, jamais, ne recolle le moindre morceau, voilà que le soleil brille sur les draps. Il faut bien que les herbes poussent, que les draps scintillent, que les vaches et les serpents et les nuages et les robes des filles nous amènent quelque part. Parce que dans chaque rayon de lumière de chaque matin de chaque nouveau jour on entend la petite prière de Charlotte Delbo. Il faut bien se rincer, ouvrir grand les volets et marcher avec la marche et grandir avec les arbres et s'ouvrir avec nos yeux et scintiller avec les draps afin que tous les morts du monde ne soient pas morts pour rien.
8/29/2024
Sors toi les doigts des yeux
8/28/2024
Panache
8/27/2024
8/26/2024
8/25/2024
Comme la lune
8/23/2024
La suite pour violoncelle
Il était monté dans sa chambre pour boire son thé. En janvier, vers dix-huit heures, la lumière de l’hiver était particulièrement belle et il adorait, c’était une des choses qu’il préférait faire quand il venait ici, il adorait regarder par la fenêtre les arbres piquer les rondeurs nues du ciel dans cette lumière brillante qui précédait le crépuscule. Il posa son thé sur la table et entreprit d'écouter de la musique en choisissant, pour ce moment particulièrement approprié, la première suite pour violoncelle de Johan Sébastien Bach. Dans les courbes classieuses et délicates des cordes du violoncelle qui arrondissaient encore les éclats lumineux du soleil qui se couchait, il but une gorgée de thé en s’approchant de la fenêtre pour savourer le sucre glace du paysage. La musique le portait, elle l’inspirait en rendant tout plus beau et plus accueillant. Tout était soudain devenu beau, sa chambre et les nuances du bois dans la lumière, les arbres arides dehors et le ciel et l’air froid et la buée sur sa fenêtre. Tout s’harmonisait dans les rotondités soyeuses et mélancoliques de la musique. Et même lui, même lui en arrivait à se trouver beau et parfaitement à sa place dans ce moment de grâce. La musique coulait toujours, et lui, regardait ce monde qu’il trouvait soudainement sublime et goûtait à son sublime thé dans cet instant sublime. Il admira la fenêtre, et la table, et même ce petit miroir posé dessus qui patientait dans la lumière, comme en apesanteur, et il le prit entre ses mains en rythme et avec grâce, harmonieusement, pour jouer avec les rayons qui dansaient dessus et parfaire ce moment de grâce d’un éclat ludique. La musique le caressait, et il était heureux, et il aimait ce moment et sa façon d’en profiter avec élégance, et il aimait jouer avec ce miroir en buvant son thé, il aimait faire lentement danser le miroir en face de lui et regarder son visage changer dans les nuances de la lumière. Tout était harmonieux et naturel, il se regardait sans briser la magie des notes dans la lumière, et il se regardait de plus en plus près, sans se rendre compte de rien, il ne pensait pas, il était simplement en adéquation parfaite avec ce moment, harmonieusement, sans conscience et sans recul, comme un animal en osmose avec ses instincts. Et c’est en harmonie, toujours, baignant dans la brillance crépusculaire de l’hiver, toujours, qu’il commença à attaquer avec les ongles de ses deux index un énorme comédon qu’il avait surpris sur le haut de son nez en s'inspectant dans le miroir. Et c’est en harmonie, toujours, qu’il passa aux autres points noirs qui ornaient son nez, qu’il creusa de ses ongles la peau grasse et rougie par les assauts, de ses deux narines. Et la suite de Johan Sébastien Bach continuait de s’étirer dans l’air pendant que des minuscules dizaines de boudins blancs surgissaient de son nez charcuté.
T'es sur que t'as rien oublié ?
Le quartier est vide
Tout le monde est parti en vacances
.
Dans la première maison
sec comme une mouche morte
Sur le bord brûlant des fenêtres
le mot
Misère
.
Près de la deuxième villa
enchaîné à un arbre massif
le mot
Justice
.
Sur le parking
de la station service locale
la petite Colère
attend d'être récupérée par sa mère
.
8/19/2024
Les billes noires
Dans un très beau poème que Christian Garcin écrit à propos de la mort de son père, il évoque au détour d'une image "la gravité dubitative et pointu d'un bébé". Je voudrais atteindre ce regard, les flèches acérées, éperdues et perdues, de ces deux billes noires. Pour écrire il faudra s'efforcer de regarder avec "la gravité dubitative et pointue d'un bébé".
Dans le limon blanc
Remonter par le lit asséché de la rivière
chercher les fossiles dans le ciel
et les corbeaux par terre
remplacer quelques mots
déplacer quelques pierres
déranger un héron
s'assoir dans le limon blanc
un doigt dans la caillasses
l'autre dans la caboche
fouiller écoquiller
attendre que ça passe
assis là
dans le limon blanc
poser les mots
trop asséchés
remplir ses poches
de cailloux frais
jusqu'à se taire
Le ventre du poisson
8/15/2024
Lampe tempête
8/10/2024
Les crocs
Nostalghia (1983) d'Andreï Tarkovski
Depuis plusieurs jours, un chien du quartier aboie durant des heures entières. Je pense que ses maîtres sont partis en vacances, que quelqu'un vient le ravitailler de temps en temps et qu'il est seul, enfermé dans un petit jardin pavillonnaire. Je pense qu'il est affolé, désorienté, éperdu de rage, proche de devenir fou. Je pense que c'est ainsi que l'on fabrique des assassins. Je pense que lorsque les maîtres reviendront, bronzés, reposés et souriant, il leur fera la fête, totalement reconnaissant de leurs retour, tout entier dans leurs retrouvailles sans même songer à leur en vouloir. Je pense que pour que ce monde retrouve une once de justice et de sens, il faudrait que je les morde moi-même.