5/27/2023

Poème pour la femme de ménage de l'hôtel




Pouvoir magique

 Je lis

Je lis les blaz' sur les murs

Le nom des arbres

Le nom des rues

Le nom des nuages

Le nom des gares

Je lis la vie des animaux qui se cachent dans le visage des gens

J'ai un pouvoir magique

Je lis

5/21/2023

La pivoine et le livre


 Il pleut et le matin est calme
tout est vert tranquille
les pivoines ploient sous la pluie
je lis Holocauste de Charles Reznikoff
et je retourne d'où je viens
d'où nous venons tous
là où l'on tord les bébés
comme des serpillières
là où les mots 
ne sauvent plus rien
l'aurore chancelle dans la boue
pourtant il a fallu les écrire ces mots
et il faudra les lire jusqu'au bout
la pivoine plie 
touche la terre
se gorge d'eau glacée
elle pleure et on dirait qu'elle vit
elle meure et on dirait qu'elle rit
je vais la ramasser
la poser prêt du livre
préparer ce qu'il faut
du thé et des tartines
tenter de retourner doucement
respectueusement
là où l'on peut 
sauver quelque chose
avec ou sans les mots
 

 


5/18/2023

Les noix

 

On regarde pousser les noix
la vie a des petites couilles toutes vertes
toute fraîches
qui scintillent sous la pluie
on a bien le temps de penser
on a bien le temps de briller
le chèvrefeuille s'ouvre
alors on ne pense pas
alors on ne brille pas
on regarde pousser les noix
pattes mouillées
comme les chiens
et les pigeons
on s'en roucoule
on s'en barbouille

5/14/2023

Rantanplan dans le printemps

 


Je remonterais volontiers
pantalon sur les mollets blancs
poils d'orteils dans l'eau glacée
sale et tranquille
sale et tranquille
je te mangerais volontiers
avec les doigts et sans manière
légumes frais sardines grillées
en chantonnant Yves Montand
ou Charles Trenet
Je me la jouerais volontiers
Milou en Mai
ou Rantanplan dans le printemps
Piccoli mouchoir sur le front
dans l'ombre dans l'herbe
à mâcher dimanche en fumant
sale et tranquille
sale et tranquille
Je regarderais volontiers
les pétales tomber des arbres fruitiers
trempés par la pluie et la rosée
la vie ne serait finalement
qu'une question
de volontiers



5/05/2023

Bien le yo à vous

 La nuit est verte gorges de grenouilles.

A lui tout seul le mec qui vient aspirer dans les  fosses septiques bouchées vaut deux siècles de poésie.

Ça vaudrait le coup aussi d'écrire sur le jongleur du feu rouge qui est déjà en place à 7h30 du matin.

Ou sur la journée du vieux vendeur tocké de chez Paul dans la gare. 

T'entends une fontaine et te voilà gueule un peu plus rafraîchie sur la Terre.

Les avions tracent des traits jusqu'à la Sainte Victoire.

Une volonté reste une vessie en expansion.

Ton petit potentiel vaut tous les ciels.

Je prends deux secondes et je vous aime.

5/01/2023

Le grand amour

 C'est dur de vieillir
lui dit le grand amour
moins dur que de mourir
lui dit le vieil amant
alors ils firent l'amour
et quelques temps encore
le temps resta du temps
et la mort de la mort
et l'amour de l'amour

4/30/2023

Etre beau et con

 Ohara Koson, Monkey and Reflection of the Moon / Aap en weerspiegeling van de maan, ca. 1900-1936.
GIFed by Olivia Hadtke.

 Etre beau et con
comme l'odeur de la pluie
qui tombe n'importe comment
c'est tout qu'est-ce que je veux dans la vie

4/25/2023

"Un poème est une ville remplie de rues et d'égouts" Charles Bukowski

 

"Un poème est une ville remplie de rues et d'égouts
remplie de saints, de héros, de mendiants, de fous,
remplie de banalité et de bibine,
remplie de pluie et de tonnerre
et de périodes de sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville demandant à une horloge pourquoi,
un poème est une ville en feu,
un poème est une ville dans de sales draps
ses boutiques de barbier remplies d'ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
à travers les rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit et chassent le drapeau ;
un poème est une ville de poètes,
la plupart d'entre eux interchangeables,
envieux et amers...
un poème est cette ville maintenant
à 80 kilomètres de nulle part,
à 9h09 du matin,
le goût de l'alcool et des cigarettes,
pas de police, pas de maîtresses, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
mélancolique sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes rocheuses,
l'océan comme une flamme lavande,
un lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue de fenêtres brisée...

un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde...

et maintenant je colle ça sous verre
pour que l'éditeur fou l'examine de près,
et la nuit est ailleurs
et les dames grises indistinctes font la queue,
les chiens suivent les chiens vers l'estuaire,
les trompettes font pousser les gibets
tandis que de petits hommes enragent contre des choses
qu'ils n'arrivent pas à faire"
 
Charles Bukowski (1920-1994) – Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines (The Days Run Away Like Wild Horses Over the Hills, 1969)

4/23/2023

Jusqu'en haut de la montagne

 Je vais aller marcher
jusqu'en haut de la montagne aujourd'hui
peut être que j'atteindrai le haut de la montagne
peut être qu'en atteignant le haut de la montagne 
j'atteindrai quelque chose de moi
peut être quelque chose du haut de moi
ou peut être quelque chose du fond de moi
quelque chose du haut du fond de moi
une forme de surface de moi
ou de ciel de moi
avec des nuages de moi 
qui s'effilocheront 
jusqu'à totalement disparaitre
à l'horizon de moi
alors j'aurais trouvé quelque chose 
en haut de la montagne
j'aurais trouvé comment
faire disparaitre 
les nuages de moi
et puis le ciel de moi 
l'horizon de moi
ou le fond du haut de la surface de moi
faire disparaitre 
toutes les formes de moi
et n'être plus que marcher
jusqu'en haut de la montagne 
aujourd'hui

Henri Texier - Les LeBas (Bonobo Remix)

4/17/2023

Dimanche

 

Au Duplex ce matin on a mis Johnny à fond
dehors le soleil brille le vent souffle fort
on tape le rythme avec la main sur le comptoir
dimanche commence bien
au bord du canal les chiens promènent leurs maîtres
trois teckels laisse fluo tirent un improbable traîneau humain
le clochard est content quelqu'un lui a offert des crayons neufs pour dessiner
il voudrait le dire mais personne n'a envie d'écouter un clochard content
même quand il est content il est seul au milieu des gens
le vent affole les pages du bouquiniste
50 pour cent sur la chapellerie messieurs-dames ça vient tout droit de Floride
cours biblique gratuit foulard de soie véritable 
savon de Marseille en tête de mort dix euros les trois Lacoste et tutti quanti
tellement de monde dans les halles 
que les macarons sentent le poulet rôti et le couscous l'andouillette frit
un vieux monsieur a envie d'artichauts à l'huile
les cloches sonnent le caviste ouvre
à Narbonne il est bientôt midi

4/12/2023

"Moi, selon une manie qui m’est chère, je n’avais ce jour-là rien à faire.."




"Moi, selon une manie qui m’est chère, je n’avais ce jour-là rien à faire ; ni à tournicoter autour des bonimenteurs du boulevard, ni à lantibardaner d’une vitrine l’autre, pas plus qu’à me hâter vers quelques rendez-vous ami, n’ayant nulle part où aller et plus d’amis depuis belle lurette ; en tout j’étais libre et innocent et, de surcroît, étranger à l’arrondissement. Voilà pourquoi je lançai sans y prendre garde un retentissant : « Patron ! Remettez-moi ça ! » qui eut pour effet immédiat de figer le sang dans les veines de l’assistance et d’installer aussitôt cette qualité de silence par laquelle vient aux foules le pressentiment des grands malheur. "

Pierre Autin-Grenier, C'était un authentique assassin

4/09/2023

Faut ce qu'il faut

 Il faut
rester vivace voir vivant
garder longtemps 
le gout de l'oignon rouge
 et du chocolat au piment
il faut 
ne pas mélanger les m et les p
le bon grain de l'ivraie
le bon grès du malgré
mettre un bon coup de collier
sans lâcher la bride
nettoyer le printemps 
avec du Sterimer
et l'automne 
et l'été 
et l'hiver
il faut
se rassembler 
et puis s'éparpiller
et puis se rassembler
et puis s'éparpiller
et puis recommencer
comme une de ces fleurs
qui respire la nuit
et finit par s'enfuir 
accrochée aux pattes 
des chevreaux
il faut se coucher
et lécher le soleil
par la peau
dés qu'on peut
se coucher
et lécher le soleil
par la peau
Il faut
s'accrocher les soucis 
sur les oreilles
comme des cerises
il faut faire des listes 
de choses à faire
et les brûler
recommencer
à lire
en s'aérant les pieds
s'ajuster
se faire justice
exercer son droit
de retrait
il faut garder à l'esprit
que chaque bourdon 
avant de se faire assassiner
aura dormi 
dans le ventre ouvert
d'une glycine
les bourdons 
ne font pas l'amour aux abeilles
mais aux fleurs
c'est un drôle de boulot
d'être un bourdon
autant se dire pourquoi pas
plutôt que à quoi bon
il faut
se dire
autant se dire
autant que faire ce peu
ce petit peu
ce petit feu
ce petit nous
il nous faut un petit feu
un petit coin de feu
un petit coin de nous
un petit coin de vrai
arrêter les il faut
y mettre ce qu'on veut
des il vrai
des il peu
des il feu
des il pourquoi pas
des il nuit 
des il lire
des il peau 
des il ventre de fleur 
des il oignon rouge
 et chocolat au piment

4/08/2023

Rencontre avec l’écrivain THOMAS VINAU Samedi 15 avril 2023 à 16 h / Ferrals-les-Corbières

 

 

Samedi 15 avril 2023 à 16 h, à Ferrals-les-Corbières (11200)  (Cinéma municipal, rue de l’Égalité) : Littérature et cinéma :
* Rencontre avec l’écrivain THOMAS VINAU, autour de son nouveau roman, Marcello & Co (éditions Gallimard, 2022).
* Suivie de la projection du film Un, deux, trois, soleil, de Bertrand Blier, avec Anouk Grinberg, Marcello Mastroianni , Myriam Boyer (1993).

Entrée sans réservation. Billetterie du film (Ciném’Aude) : 5 euros.

POUR EN SAVOIR PLUS, CLIQUER ICI.




4/04/2023

Ballad of the Spirits

La belle vie

On a vécu une belle vie quand même
sans savoir que tout allait partir en couille
on chantait Elmer Food Beat t'imagines
le plastique c'est fantastique
mettre les doigts à trois dans Daniela
tout ça tout ça
c'était déjà parti en sucette bien sûr
mais on était des gosses
personne ne se rendait compte
je crois qu'il y a eu un vrai renversement
vers Kid Creole and the Coconuts
à partir de cette daube
le monde devenait
vraiment Ghotam City
le pire était permis
mais si tu réfléchis
c'était déjà parti en couille bien avant
pas une époque pour rattraper l'autre
depuis toujours
une couille qui roule
on aura vécu une belle vie quand même

Georges Perros,

 


«On meurt de rire on meurt de faim

On meurt pour blessure à la guerre

On meurt au théâtre à la fin

D’un drame où le ciel est par terre.

Il est cent façons de mourir

Pour vivre on est beaucoup plus sage.

Il s’agit de savoir moisir

Entre l’espoir et le fromage. »

 

Georges Perros,

Poèmes bleus, le chemin NRF, gallimard, page 110

3/28/2023

Escale du Livre - Samedi 01 avril

 


Samedi 01 04 ; Forum, 18h30
durée 50 min
Entretien avec: Thomas Vinau
Le récit des gouffres (Castor Astral) 

 

3/26/2023

Sermon

 

Considérons juste un instant
ensemble si vous voulez bien
tout ce que le dimanche sain
doit au samedi soir malsain
nous allons passer à présent
petite panière dans les rangs
pour l'honorer merci pour lui

3/24/2023

Le chemin

 Faire le chemin jusqu'à l'école 
chaque matin et chaque soir de la semaine 
depuis dix ans
chaque matin et chaque soir
on pourrait calculer
chaque matin et chaque soir
on se dépêche
le sac pingouin pour le goûter
le cartable qui au début ne pèse que les doudous
et la tenue de rechange
qui s'alourdit
de dessins
de vestes d'écharpes
et puis de trousses de porte-vues de cahiers
l'écureuil qu'on ne voit plus les poules les chiens et les voisins
les traits des avions dans le ciel
les pollens
apprendre à traverser la route
les voitures
les range-vélo à escalader
encore deux ou trois ans et puis ce sera terminé
le petit rejoindra le grand
ils auront leurs chemin à eux
on oubliera tranquillement
la plupart du temps
on repassera de temps en temps 
vous souvenez vous
et puis ce sera terminé
d'autres le prendront ce chemin
on les croisera parfois
en souriant
vous souvenez vous
chaque matin et puis chaque soir
le temps aura filé devant
plus de cartable plus de goûter
plus de chaque matin et chaque soir
plus de retard 
de bonne ou de mauvaise humeur
de boisson fraîche 
de flaque gelée 
ça nous manquera
vous souvenez vous
c'était notre routine de vivre
notre chemin
chaque matin et puis chaque soir
moi je me souviendrai