4/13/2016

Lumière cachée sous le moisi

Le soir parmi les lambeaux du monde, il entend cette histoire. Un Caravage retrouvé dans un grenier Toulousain. Sous la poussière le noir qui brille et le sang qui éclaire. Imagine toi ! Un Caravage dans la poussière. Lumière cachée sous le moisi. Ah les cons  ! Et comme ça il s'endort, ainsi que chaque soir, légèrement rassuré à l'idée que toujours on peut dénicher des trésors sous le vide terne qui existe. Le lendemain, la vie saigne encore et le soleil titube comme un lundi.  En retard, toujours en retard râle le lapin dans son réduis. La semaine commence sur les chapeaux mais le petit vélo dans son cerveau est voilé de la roue. La routine quoi. Il se lève les yeux en biais, lance la cafetière dans la cuisine aux relents tiédis et là boum ça lui saute à la tronche comme un chien mal nourri. D'abord là sous ses yeux, sur la nappe décatie, bol fendus et pichet beige, c'est un Morandi ! Et dans le ciel serpillière qui éponge le petit jour à travers la fenêtre, un Turner traverse l'air rosi. Il sort en chaussette, abasourdie, pour se prendre la claque d'un Hopper dans le soleil qui monte sur le mur en crépi. Il encaisse cul sur la terrasse, le George de la Tour et le Degas vaporeux qui percent les persiennes de la maison d'en face où se toilette sa voisine.  Un cabot de Van Gogh souille le trottoir sur lequel flotte une petite flaque d'or de Fra Angelico. Il se traine chez lui en rampant, presque écrasé de tant de beauté. Dans le couloir de l'entrée, il reste immobile plusieurs minutes, n'osant dépasser le grand miroir sur pied, terrorisé à l'idée du Bosch ou du Bacon qu'il croisera dans son reflet.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Hier j'ai trouvé un Kahlo "Le cerf blessé ou le Petit Cerf ou Je suis un pauvre gibier, 1946" j'en ai fait un sonnet, tellement il me plait.

Le cerf blessé

Pauvre cerf touché par les flèches des chasseurs !
Dans ta chair elles ont provoqué de tels dommages
Qu’un peu partout le sang souille ton beau pelage,
On imagine quel doit être ta douleur !

Pourtant tu es toujours debout plein de vigueur,
Ni tes plaies, ni la forêt sombre, ni l’orage,
Rien ne semble pouvoir entamer ton courage,
Tu gardes la tête haute dans ton malheur.

Tes yeux noirs au milieu de ton visage grave
Cherchent les nôtres avec beaucoup d’intensité,
Au fond d’eux on peut lire une grande tristesse.

Oh ! Mon ami, que tu est beau, que tu es brave !
Peut-être tiens-tu de ça ta ténacité ;
Seules les bêtes blessées connaissent la tendresse*.

*Thomas Vinau, Little Man (2009)