9/19/2018

La clarté triste et grise


Je ne sais pas ce qu'il y a de fabuleux dans cette photo de soldats Russes pendant la guerre de 1914 dénichée sur Twitter. Est-ce la légende qui l'accompagnait "seul le chien a survécu"? Le visage enfantin du jeune soldat assis près du cabot placide. Ou le portrait  blanchâtre et fantomatique du troisième soldat à gauche de la première ligne ? le seul qui soit flouté, presque en train de disparaître. Le parfait équilibre entre les deux uniques et maigres portions d'espace vide, en haut à gauche pour le ciel, en bas à droite pour la terre ? La caboche à la fois sévère et désespérée du vieux capitaine jambes croisées au premier rang ? Peut-être la force et la détermination de chacun des regards de chacun des soldats lorsqu'on les détaille avec, jusqu'au plus lointain des visages, les deux traits foncés froncés de la moustache et des sourcils. Peut-être le gaillard là bas près de l'arbre, impétueusement debout ? Assurément le caractère hypnotique bien sûr, presque géométrique, de cette vague immense de silhouettes, d'épaules, de gueules, de képis. Qui fait ressembler cette image pourtant parfaitement nette et claire à un de ces dessins impossibles en 3d, à fixer longtemps, presque en louchant, pour en voir ressortir, surgir en relief, la forme dissimulée. Ici j'y ai vu successivement, ironiquement aussi,  un coeur, une tête de mort et un portrait de Mickey. La beauté de cette foule assassinée, assassinante, au repos un instant, au silence un instant, entre deux fureurs, immortalisée juste avant la mort. En paix juste avant la fin. L'intimité du cadavre. La clarté triste et grise. Sa morgue. Sa peine. Sa beauté. 

Aucun commentaire: