3/22/2020

"Ils disent que l’oiseau fou, qui du bec contre la vitre cogne par-delà les saisons, jamais ne reviendra.


Mardi 22 mars
Sainte Léa
Ils disent que l’oiseau fou, qui du bec contre la vitre cogne par-delà les saisons, jamais ne reviendra. Ils parlent comme d’une chose passée des charrettes nous conduisant aux fiançailles des moissons. Enfin d’un haussement d’épaules ils effacent des pans entiers d’un paysage qui tremble. Vrai, il en faudrait peu pour que la fragilité du jour soudain cède sous l’arrogance de leur langage.
Cependant vient un soir où se retrouvent devant l’âtre une poignée d’hommes calmes au regard décidé. L’un d’entre eux porte à la ceinture les clefs de la patience ; un autre, du courage connaît les moindres contours aussi la fureur qu’il faut au busard pour tenir tête au ciel. Tous s’entendent sur la manière la plus juste de rendre à l’aube sa part de rêve. Dehors déjà des chevaux s’ébrouent, clabaude la meute des chiens, une compagnie de perdrix rouges quitte le gîte.
Ainsi bientôt suffira-t-il de tourner légèrement la tête et nous n’apercevrons plus rien de ceux-là même qui niaient l’oiseau, les moissons et tout ce qui, partout alentour, espère et tremble. Un jour nouveau, plus solide que l’airain, aura usé jusqu’à leur image.

Pierre Autin-Grenier, Les Radis bleus, © éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2018.
Illustration de couverture par Georges Rubel
https://www.dessertdelune.be/pierre-autin-grenier.html

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