La chambre
L'enfant est entré dans les bois.
Quelqu'un le tenait par la main. Ils se sont enfoncés dans la terre
noire. Leurs mains ont parlé l'écorce. Leur peau le gel. L'homme a
éduqué l'enfant. Il lui a appris à lire. Allumer un feu. Creuser un
tunnel. Poser un piège. Échafauder le froid. La nuit, l'enfant
s'abritait dans ses bras. Le jour, il révisait ses odeurs. L'été il
était une grenouille. L'hiver un hérisson. Au printemps un geai noir. En
automne une cétoine. Le temps a grandi dans leurs ventres. La peau de
l'enfant s'est tannée. Les yeux de l'homme se sont tassés. Parfois il
tousse du sang. Parfois il repense au départ. Elle est morte. Il a pris
l'enfant par la main. Ils sont entrés dans les bois. Il n'en est jamais
ressorti. L'enfant l'a enterré. Ce n'est plus vraiment un enfant.
Ensuite, il a relâché le lièvre piégé, a mis le feu à son terrier. Puis
il est sorti du bois. Plusieurs années s'étaient écoulées. Pendant que
l'assistante sociale lui parle, l'enfant révise ses odeurs pour ne pas
laisser monter la peur. Maintenant il est vraiment seul. Maintenant il a
vraiment froid. Trois choses encore le rassurent. Le manche de son
couteau qu'il sent contre sa cuisse. Le livre dans son sac, sur lequel
l'homme lui a appris à lire et à écrire. Le livre dont il connaît chaque
mot, chaque lettre. Et puis le vent glacé dans la cour. Le vent qui lui
lacère le visage. Ce vent, c'était sa chambre d'enfant.
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