8/30/2024

La petite prière

 On ouvre la fenêtre, la terre est douce aux pieds et puis le monde est calme. On pourrait presque voir les arbres grandir, les plantes s'étendre, les serpents se chauffer. A croire que quelque chose est en marche. A croire que nos yeux s'ouvrent avec ce quelque chose. Voilà, ce doit être cela, le jour fonctionne et nos yeux s'ouvrent. Mine de rien c'est inespéré. On irait bien crapahuter quelque part, caresser le front d'une vache ou bien se rouler une cigarette serrée tout en haut d'un arbre. On irait bien à l'entrée de la ville manger des mures tièdes en regardant balancer les robes des filles qui traversent le pont. On pourrait avant de partir aérer son vieux lit, et puis en passant trouver un bout de fromage et acheter le journal pour n'y lire que la dernière page. On pourrait se dire que tout roule après tout et, qu'une fois sorti pimpant de la salle de bain, tout recommence sans fin. Car même si aucun mot, jamais, ne recolle le moindre morceau, voilà que le soleil brille sur les draps. Il faut bien que les herbes poussent, que les draps scintillent, que les vaches et les serpents et les nuages et les robes des filles nous amènent quelque part. Parce que dans chaque rayon de lumière de chaque matin de chaque nouveau jour on entend la petite prière de Charlotte Delbo.  Il faut bien se rincer, ouvrir grand les volets et marcher avec la marche et grandir avec les arbres et s'ouvrir avec nos yeux et scintiller avec les draps  afin que tous les morts du monde ne soient pas morts pour rien. 

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