5/26/2010

Le quart d'heure syndical

Les petits matins tièdes comme une agonie, à tourner la touillette dans la salle commune, à dessiner le huit horizontal de l'infiniment vide dans la mousse de son café, à faire bouillir la grenouille de ses rêves dans son box en formica, à s'appliquer dans son sourire forcé aux collègues, à juguler sa lucidité comme on serre le cou d'une portée de petits chats foutus d'avance. Les petits matins tièdes comme une agonie, il se forçait à imaginer que sa vie serait pire ailleurs, qu'il n'avait pas à se plaindre, et que son boulot aurait pu consister à trimballer sur son épaule les carcasses asticoteuses des ânes chez l'équarrisseur, ou à trier la taille des peaux de poulet dans une usine de nuggets, ou à vidanger les instruments du thanatopracteur. D'une gorgée, il finissait alors son café définitivement froid en oubliant quelques secondes les remugles de charogne qui trainaient au fond de son coeur.

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