"On vient nous parler de la poésie de la nature. Quelle blague! Il n'y a que la poésie de l'homme et il est lui-même toute la poésie." Marcel Aymé
"Léopold : (entre en comptant les pieds sur ses doigts, tandis que sa femme épluche des patates à une table) On – va – fi – ler – en – douce… Pas – sez – moi -As – tya – nax, on – va – fi- ler -en – douce… Oh oh !
Andréa : T’es devenu fou… Qu’est-ce que t’as ?
Léopold : Ce que j’ai ? Je vais te le dire ce que j’ai ! Je suis poète ! Parfaitement, je suis poète ! Pas – sez – moi -As – tya – nax, on – va – fi- ler -en – douce… Ah, bien sûr, tu comprends rien, mais ça, c’est un vers ! Ça s’appelle un vers ! (Il se sert un verre) Quand j’aurai trouvé le deuxième, eh ben j’en aurai deux ! Et quand j’en aurai trente… quand j’en aurai cinquante… oh oh ! (Il boit son verre) Dire qu’il a fallu qu’on se mette dans la limonade en 33, que la guerre éclate en 39,que la ville soit bombardée en 44, pour que moi, je devienne poète… !
Andréa : Il ne nous manquait plus que ça !
Léopold : Dis donc, Andréa, celui qui nous aurait dit ça il y a seulement vingt ans quand on s’en allait sur les routes, là, derrière la jument, oh oh ! A bien réfléchir, vingt ans, c’est pas grand-chose ! Et pourtant, hein ? Dans ce temps-là, je pensais guère d’être un jour un poète. Comme toi tu y pensais pas. La pauvre gueule de vieille que t’as maintenant ! Moi je te vois toute moche, toute ratatinée, que je nous revois au temps où on courait les foires, toi, en maillot rose, sur l’estrade comme ça… (Il hurle) Mesdames et Messieurs ! Voici devant vous le fameux Raoul de Bordeaux, champion du Sud-Ouest ! Remarquez Mesdames et Messieurs la puissance de l’encolure ! 130 centimètres de tour de poitrine ! En face, le terrible Ali Ben Youssouf, le Tombeur de l’Afrique du Nord ! Le seul homme au monde qui ait osé se mesurer avec un gorille ! Et enfin Mesdames et Messieurs, notre fameuse… (il va chercher sa femme pour l’installer debout sur une table)
Andréa : Mais arrête !
Léopold : Tu le feras tout à l’heure ! Pour votre émerveillement, une démonstration de ju-jitsu ! Entrez Mesdames et Messieurs ! La séance va commencer ! Toi t’étais là, bien en chair, bien roulée, d’aplomb. Tes cuisses en disaient plus long que mes boniments !
Andréa : Arrête !
Léopold : C’est comme ta poitrine, tous les hommes avaient l’œil dessus… Et vingt ans après, plus de cuisses, plus de poitrine, plus de Raoul de Bordeaux, il est mort ! (Il boit un verre cul sec) Et Madame Andréa, une petite vieille ! Un vieux sac d’os… ! (Elle se met à pleurer au-dessus de ses patates) Pleure pas… C’est la vie… Si t’étais comme Andromaque…
Andréa : Comme qui… ?
Léopold : Andromaque, une personne. Si j’avais été tué à la guerre, si le bistrot avait brûlé, si… Si t’étais entre les mains d’un étranger, si t’étais son esclave, là, tu pourrais pleurer. Mais pour l’instant je suis bien en vie, hein ! (Il se frappe le torse avec les poings) Léopold ! Allez mon petit fagot, pleure pas ! (Il se resserre un verre, qu’il boit cul sec)" Claude Berri
2 commentaires:
"On vient nous parler de la poésie de la nature. Quelle blague! Il n'y a que la poésie de l'homme et il est lui-même toute la poésie."
Marcel Aymé
"Léopold : (entre en comptant les pieds sur ses doigts, tandis que sa femme épluche des patates à une table) On – va – fi – ler – en – douce… Pas – sez – moi -As – tya – nax, on – va – fi- ler -en – douce… Oh oh !
Andréa : T’es devenu fou… Qu’est-ce que t’as ?
Léopold : Ce que j’ai ? Je vais te le dire ce que j’ai ! Je suis poète ! Parfaitement, je suis poète ! Pas – sez – moi -As – tya – nax, on – va – fi- ler -en – douce… Ah, bien sûr, tu comprends rien, mais ça, c’est un vers ! Ça s’appelle un vers ! (Il se sert un verre) Quand j’aurai trouvé le deuxième, eh ben j’en aurai deux ! Et quand j’en aurai trente… quand j’en aurai cinquante… oh oh ! (Il boit son verre) Dire qu’il a fallu qu’on se mette dans la limonade en 33, que la guerre éclate en 39,que la ville soit bombardée en 44, pour que moi, je devienne poète… !
Andréa : Il ne nous manquait plus que ça !
Léopold : Dis donc, Andréa, celui qui nous aurait dit ça il y a seulement vingt ans quand on s’en allait sur les routes, là, derrière la jument, oh oh ! A bien réfléchir, vingt ans, c’est pas grand-chose ! Et pourtant, hein ? Dans ce temps-là, je pensais guère d’être un jour un poète. Comme toi tu y pensais pas. La pauvre gueule de vieille que t’as maintenant ! Moi je te vois toute moche, toute ratatinée, que je nous revois au temps où on courait les foires, toi, en maillot rose, sur l’estrade comme ça… (Il hurle) Mesdames et Messieurs ! Voici devant vous le fameux Raoul de Bordeaux, champion du Sud-Ouest ! Remarquez Mesdames et Messieurs la puissance de l’encolure ! 130 centimètres de tour de poitrine ! En face, le terrible Ali Ben Youssouf, le Tombeur de l’Afrique du Nord ! Le seul homme au monde qui ait osé se mesurer avec un gorille ! Et enfin Mesdames et Messieurs, notre fameuse… (il va chercher sa femme pour l’installer debout sur une table)
Andréa : Mais arrête !
Léopold : Tu le feras tout à l’heure ! Pour votre émerveillement, une démonstration de ju-jitsu ! Entrez Mesdames et Messieurs ! La séance va commencer ! Toi t’étais là, bien en chair, bien roulée, d’aplomb. Tes cuisses en disaient plus long que mes boniments !
Andréa : Arrête !
Léopold : C’est comme ta poitrine, tous les hommes avaient l’œil dessus… Et vingt ans après, plus de cuisses, plus de poitrine, plus de Raoul de Bordeaux, il est mort ! (Il boit un verre cul sec) Et Madame Andréa, une petite vieille ! Un vieux sac d’os… ! (Elle se met à pleurer au-dessus de ses patates) Pleure pas… C’est la vie… Si t’étais comme Andromaque…
Andréa : Comme qui… ?
Léopold : Andromaque, une personne. Si j’avais été tué à la guerre, si le bistrot avait brûlé, si… Si t’étais entre les mains d’un étranger, si t’étais son esclave, là, tu pourrais pleurer. Mais pour l’instant je suis bien en vie, hein ! (Il se frappe le torse avec les poings) Léopold ! Allez mon petit fagot, pleure pas ! (Il se resserre un verre, qu’il boit cul sec)"
Claude Berri
:-)
"Je me suis toujours lavé les dents qu'avec du blanc !
Je ne bois que du blanc depuis que je suis enfant !"
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