On le sait depuis qu'on est là. Être là c'est le savoir. Ça se joue dans
le nœud du muscle. Durci de colère et de peine. La saine colère. La
saine peine. Ça se joue dans les dents. Celles qui encaissent. Celles
qu'on montre. Celles qui brillent même noircies lorsqu'on sourit. Ça se
joue dans ce qui trébuche au fond de la gorge. Ça coince. Ça passe pas.
Et quand ça passe ça se passe trop vite et ça revient. Et c'est trop
tard. C'est toujours trop tard. Dans les chants d'oiseaux cassés à nos
pieds. Coupés par le froid. Dans le creux des ventres. L'éclat d'un
astre au creux des ventres. Dans l'amour du sang. L'acide des peaux
abandonnées. La corrosion des solitudes. Tu caresses et la viande te
reste sur les doigts. C'est une chanson d'enfant dans le silence
hurlant. C'est minuscule. Impossible à rassasier. Ça se joue pour rien.
C'est pour ça qu'on joue. C'est perdu d'avance. C'est pour ça que ça nous sauve. Parce que c'est
perdu d'avance.
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