1/24/2019

Les petites poches

J'écris avec le ventre plein. Dans des habits propres, pas loin d'un café chaud, je n'ai pas de leçon à donner. J'écris avec un toit sur la tête, des enfants à côté, une princesse tout prés, je n'ai pas de leçon à donner. J'écris assis devant un feu, devant un arbre ou une fenêtre, avec le soleil ou la pluie, je n'ai pas de leçon à donner. Le temps se pose sur mon épaule et les oiseaux sur ma terrasse. J'ai des souvenirs autour du cou et un demain à portée de mains, je n'ai pas de leçon à donner. Je n'écris pas pour donner de leçon. J'écris pour goûter. Et pour faire goûter. J'écris pour garder et pour regarder. J'écris pour ce matin de fin janvier dans lequel nous marchons ensemble jusqu'à l'école sous la lune froide comme un réverbère givré. Ce matin où vous avez dansé comme des clowns et des rois devant votre bol. Où je cueille, tel le bouquet de pivoine du jour, les élastiques tortillés de  cheveux disséminés dans chaque pièce. Ce matin où, arrivé devant sa classe le plus petit s'est affolé en se rendant compte que son pull n'avait pas de poche. Les petites poches dans lesquelles d'habitude il enfouit ses petites mains pour passer la barrière des autres enfants qui crient, des parents qui font la queue, de la maîtresse impressionnante, de la séparation. Ses petites poches au fond desquelles d'habitude il trouve sa stature, son allure, son courage. Au fond desquelles il écrase sa peur en retenant serré la chaleur de ceux qu'il quitte. J'écris pour ses petites poches et pour ce matin où, ne sachant plus quoi faire de ses mains, de ses os, de sa terreur, il devient imperceptiblement plus grand, imperceptiblement plus beau encore, tellement digne d'amour, en affrontant ce qui d'un seul coup lui manque.

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