Tour du jardin. Tour du matin. J'arpente l'herbe gelée, les mottes boueuses, l'aube qui brille. Les pâquerettes sont en boutons. La buée sort de la bouche des oiseaux. Le printemps gagne. Pourtant, toujours, quelqu'un, quelque part, gémit. Je me tiens prêt au jour. Chevalier avec peur et avec reproche. Debout. Abimé. Désarmé. Il y a dans mon bureau un vieux réveil de voyage Acora dans sa boite rouge. Les rouages et les ressorts doivent être fatigués, il s'arrête au bout d'une minute. Je dois sans cesse revenir tapoter dessus avec mon ongle pour que la minute suivante s'écoule. Cela me va, me ressemble. C'est à peu près ce que je fais avec ma cervelle. Tapoter dessus avec l'ongle des mots pour relancer les rouages des secondes. Quand je suis là haut pour écrire, avec le jour qui monte par la fenêtre, nous jouons un peu à ce jeu là lui et moi. Mon cher réveil cassé. Chaque minute un coup d'ongle. Jusqu'à ce que je me lasse. Alors j'abandonne et le laisse renoncer à la marche des heures. Son défaut d'usure lui offre ce pouvoir considérable que je n'ai pas. Arrêter le temps. Que vais-je rater aujourd'hui, à part de belles occasions d'écouter les secondes battre la mesure de la vie ? Ici les enfants paument leurs dents, l'abricotier est en fleur et les poules chient sur la mort. Je suis prêt à perdre la bataille. L'ongle solide et les yeux ouverts.
Mots/ textes/ poèmes/ miettes/ poussières/ brindilles/ vétilles/ et autres broutilles. - ( ISSN : 2267-3954) -
3/02/2021
Le réveil cassé
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