7/15/2024

Le jour ou j'ai été rescuscité par une aubergine

Cherchant désespérément
une forme de présence
une façon d'être là
pleinement
entier
ou en tout cas
moins évanescent

se reprendre 
s'arrimer au réel
agripper avec des mots

par les yeux peut être
assis dans le salon
deux carrés de fenêtre
d'un coté le soleil sur le mur
de l'autre l'ombre du tilleul
impossible d'atteindre
leurs présences absolues
sans matière
sans forme
mouvant comme des couleurs dans de l'eau

par les gestes alors
debout
pour laver une pierre
longtemps
s'abimer la peau des doigts
sur son éclat accidenté

par la nécessité de faire finalement
faire ce qu'on a à faire
en l'occurence à manger
puisque c'est l'heure
en coupant des légumes
sans vraiment prêter attention 
à la litanie de la radio

l'eau de l'évier 
la planche le couteau
la poêle qui rissole 
la présence totale 
absolue
pleine
suffisante
d'une bonne grosse aubergine
perlée de la rosée froide du frigo

tout ces mots
ces efforts 
pour se remplir
se solidifier
du soleil sur un mur
de l'ombre d'un tilleul
d'une pierre mouillée
d'une bonne grosse aubergine violette

tous ces mots ces efforts intellectuels et sensitifs
accoudés à ces gestes 
pour tenter d'atteindre
en vain
leur simple
totale
et absolue
présence

envier une aubergine

ne plus être 

un fantôme

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