Regarde par la fenêtre. Regarde par la fenêtre. Regarde le paysage. Ne te regarde plus. Tu es plein d'or, plein de fumier qui fume, plein de soleil perdu. Tu chevauches l'oblique d'un rayon sale, traverses les sucs gastriques du temps, tu es la couleur de l'orpiment sur la dernière feuille du tilleul. Tu n'y parviens pas encore, tu n'es pas encore hors de toi, hors de tes yeux, hors de ton ventre, de l'haleine de ta petite voix. Regarde encore, jette tes yeux, fais-toi piquer ta peau, fais-toi fendre tes lèvres, fais-toi geler tes orteils. Toujours pas, tu n'y arrives toujours pas. Tu ne regardes pas par la fenêtre, tu te regardes par la fenêtre. Tu t'habilles de feuilles, de paysages, de rayons, d'orpiment, tu te décores, ton tu te dévores. Rien ne sort de toi à part toi. à part ton moi. Les mots s'accrochent à la crasse des vitres, s'emmêlent dans les fils scintillant des toiles d'araignées. Ils laissent des traces de moi partout, des sales traces de moi qui gâchent le paysage. Ces mots vont dans la poubelle jaune, ces mots du moi qui gâchent le paysage, qui gaspillent l'or, le fumier, la fenêtre, le soleil. Ils doivent être triés, retraités, recyclés. Ce poème est une entreprise de retraitement des déchets. Il est là pour nettoyer le paysage des sales mots du moi. Il est là pour que ne reste que la fenêtre, le rayon sale, la dernière feuille du tilleul. Pour que tu sois là, enfin, proprement, pour que tu sois là sans toi, nettoyé de toi, nettoyé du moi. ce qu'il reste de toi en tout cas. Aussi entier que possible. Ou même en morceaux, rafistolés ce n'est pas grave. Une deuxième vie de toi. nettoyée du toi. Dépolluée du moi. Rafistolée. Réutilisée. A énergie propre. Prêt à habiter enfin la fenêtre, le rayon sale, la dernière feuille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire