Chez Décharge (la revue) et Gros Textes, les Polders d'hiver sont arrivés, Samuel Dudouit et Grégoire Damon dont je préface La magnifique Danse de Saint-Gilles.
Ci dessous la Préface qui vous donnera, j'espère, l'occasion de découvrir cet auteur et d'une manière générale cette collection
"On
porte sa langue sur son l'épaule. On met sa langue sur la table. Elle
nous a coulé dans le dos. On met sa langue sur la table. On la rabote.
On la vend au kilo. Kilo de mots. Kilo de bave. On arrive tous comme ça,
sans chaussures, sa langue sous le bras. Mer ou Mère traversée,
transpercée. Terre au loin déjà usée par les yeux. On débarque, jette
l'encre, plante la langue dans le sable, plante la langue dans la terre,
s'en sert comme d'une pelle, pioche ou truelle, pour façonner la vie
des autres. Ta langue mal dégrossie. Ta langue de sauvage, ton
"charabia/ du trou et du n'importe quoi", " cette langue faite pour dire
/avec seulement un oeil baissé", cette langue puante, honteuse et
effacée qui sent le trou d'où tu es né. On cache sa langue. On nettoie
sa langue. On l'assouplit. On la parfume. Ou on l'écrase à coup de botte
et de parpaing. Le bout de chair dans ta bouche. Le bout de viande d'où
tu viens. Le bout d'avant. Qui vient de loin. Mais les langues c'est
comme les mauvaises herbes. ça repousse. Et un jour alors que tu n'as
plus de dos, plus de bras, plus de dent. Un jour où tu as oublié à force
de fatigue le propre son de ton sang, un enfant la ramasse, ta vieille
langue de mine, et la brandit comme une torche pour tenir en joue sa
nouvelle nuit. Il la taille, la bricole, l'aiguise, la rigole. Il en
fait une lampe de poche, un mégaphone, une paire de gant, de la
confiture, un poème. Il en fait ce qu'il en peut, mais ça brille et ça
vit. C'est un joyeux bordel. Une "boîte à outils". Un pied de nez. Un
écureuil sauvage. Un écolier frondeur. Une "danse de Saint Gilles". Un
chantier. Une prison, "La langue du plus fort est toujours la
meilleure". Un ciel toujours trop vaste. Un vêtement toujours trop
grand, aux manches qui nous tombent sur les bras, au pantalon qui ne
tient pas."Langues-costumes qui aux manques enfouis sont des armures".
Comme le costume du grand père qu'on passe devant le miroir de
l'armoire, plein de contenance et de ridicule. On n'a pas ses bras. On a
des ciseaux. Des ciseaux dans la bouche. En forme d'oiseaux qui rient
aux éclats. Le ciel comme un gâteau. Une tranche pour toi, une tranche
pour moi. Grégoire Damon nous parle cette langue là."
les récents Polders :
159 : Grégoire Damon : LA DANSE DE SAINT-GILLES (Préface de Thomas Vinau)
160 : Samuel Dudouit : ACOUSTIQUE BLANCHE MÊLÉE DE TERRE (Préface d'Alain Jouffroy)
159 : Grégoire Damon : LA DANSE DE SAINT-GILLES (Préface de Thomas Vinau)
160 : Samuel Dudouit : ACOUSTIQUE BLANCHE MÊLÉE DE TERRE (Préface d'Alain Jouffroy)
Et profitez en pour commander les derniers Gros Textes , Christophe Siebert, Pierre Tilman et les autres, que du bon !
1 commentaire:
Relu trois fois le Polder de Grégoire (magnifique préface comprise).
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