8/29/2014

La Part des Nuages - Note de Lecture par ROGER LAHU -

On dirait que ça serait un roman. Parce que c’est écrit sur la couverture. Mais pas un roman façon gros bouquin à la Balzac ou Flaubert ou Proust. Plutôt un roman façon Brautigan, qui n’a jamais vraiment écrit de roman  en fait. On devrait dire , ça serait beaucoup mieux : « une histoire ». Alors c’est l’histoire d’un homme de 37 ans.  Il a passé de 4 ans l’age des crucifictions  et de 7 celui des rockeurs fauchés dans la fleur de l’âge.  Il se sent vieux. Il ne voudrait pas vieillir. Il résiste mal. Il se laisse aller. Il laisse aller. Sa femme dont il a divorcé. Son boulot merdique. L’entretien même sommaire de la maison. Ca lui pèse tout ça , ça le crucifie : plein de petits clous dans les mains et dans le cœur. Il pourrait bien se laisser mourir, on le sent, il pourrait se donner la mort, comme un rockeur de 27 ans. Se laisser couler.  Fin de l’histoire « this is the end , my beautiful end …. ». Mais il peut pas. A cause de Noé. Noé son chtiot gamin. Un peu aussi à cause d’Odile. Odile, une très vieille amie. Odile la tortue. L’enfant Noé c’est son arche dans le déluge. La fameuse arche d’ailleurs savez vous que ça n’était pas un  bateau, mais une sorte de très grosse boite. Un grand coffre-cabane en quelque sorte. Joseph  - c’est son nom à l’homme de 37 ans, à l’homme las -  il s’en est construit une de cabane, dans son jardin, dans un arbre. Il s’y réfugie. S’y terre comme un animal traqué. Avec des BD de son enfance : Rahan le superhéros préhistorique. Joseph (rappelez vous : c’est aussi, dans une autre histoire, une espèce de roman là encore,  le nom du père du crucifié à 33 ans) de sa cabane il regarde le monde s’agiter dans ses alentours et il pense : «ça ne me concerne pas ». il se rendort. Ou il fume des cigares et picole un peu.  Ou il regarde les nuages , « les merveilleux nuages »  qu’il aime beaucoup. Comme dans le poème de Baudelaire il se sent « étranger » au monde. Il ne parle plus la langue commune. Ne sait plus. N’a plus envie. Parfois il sort. Le monde à ses alentours alors le blesse, c’est tout en angles, en trucs pointus le monde. Il se cogne dedans. Ca n’apaise pas toutes les petites blessures de tous les petits clous qu’il a de planter partout, dans les mains, dans le cœur.  Mais une fois, en sortant, il fait une rencontre : un clodo  ex charpentier (Joseph aussi était charpentier, pas l’homme plein de petits clous, le père du crucifié à 33 ans).  Il s’appelle Robinson « chouette encore un naufrage » pense Joseph.  Avec Robinson, en pleine nuit il va grimper au sommet d’une église et regarder le monde de tout en haut. Presque à hauteur des nuages. Ca va le requinquer. De naufragé il était devenu gabier de grande hune : ça lui a fait souffler un air vivifiant dans la tête. On dirait qu’à la fin de l’histoire Joseph il irait mieux. Oh rien de spectaculaire façon happy end en technicolor avec violons et gros bisou baveux. Mais oui Joseph il ira mieux, il verra que « dehors est immense »  (moins coincé sans doute dans « l’espace du dedans », sorti de lui-même, décloué de ses croix) et « dans la vitre son reflet rit » .


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