"Le Général
La clarté que l'on nous refuse nous la volerons
avec le feu. Nous coiffons la nuit au poteau. Nous rallumons les nues.
Nous sommes la suie qui ne mérite pas l'azur. Nous sommes la chair rouge
des braises. La petite viande perdue. Au début le sang et le feu ont la
même couleur. Au début seulement. Ensuite il ne reste que la nuit. Il y
a des oiseaux qui n'ont pas droit au ciel. Ils le voleront. Nous
partagerons de force. Nous prendront ce qu'on nous refuse. Nous sommes
la fin des flammes. Le feu qui se tord. Le feu affamé d'air. L'esprit
affamé de la justice. Nous sommes les flammes sans lumière. C'est la
nuit que nous voyons le mieux, car c'est elle qui nous accueille. C'est
le noir qui nous éclaire. La nuit est notre règne, la forêt notre
patrie. Nous sommes les fils des bois perdus, de la route, de la boue
des chemins. Nous sommes les fauves en exil. Les apatrides. Les moins
que chien. Nous sommes les rats et les renards, les hérissons, les ailes
tranchantes du grand-duc. Nous sommes les yeux de la mule aux flanc
lacérés. La chair à canon et à usine, la viande pour leurs grosses
dents. Nous sommes les invisibles, le choléra, le nègre, l'ongle noir de
Satan. Nous sommes la famille de vos sacrifices, les cornus, les
sauvages, les bouffeurs d'ombre, les récalcitrants. Nous sommes le vent
qui souffle sur les braises, les morts pour rien dans la brume de
l'empire, la rage des chiens. Venez avec moi, je vous offre l'outrage,
la brûlure, la ruade, le galop. Je vous offre la liberté des flammes
sans lumière."
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