10/29/2020

Comment bousiller un poème

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 Ce matin en déjeunant j'ai lu "Confinement d'abricot". Et puis un peu plus tard confinement de plastique. Je me suis dit voilà un poème, je pourrai raconter comment j'ai mangé du confinement de canard, puis reçu un mail qui me demandait de confiner mon mot de passe, et puis le confinement du centaure et puis et puis, je l'appellerais "Le schtroumpf d'or est attribué à". Ho ho ho je riais sous mon gros nez comme Achille Talon bien repu bien content. Alors m'est apparue la vérité en string, ça ne ferait pas un bon poème. Comme souvent, tu as l'impression que plus tu en mets plus le poème apparait alors que c'est l'inverse qui se passe, plus tu en met, plus il disparait, ou plutôt plus tu l'alourdis plus il s'efface.  

Il y a mille façons d'écrire un poème, certains y parviennent en creusant dans le gros bloc de terre-mot à la manière d'une spirale d'acier ou d'un vilebrequin rouillé. Certains le font se déployer et s'envoler lentement comme un grand cerf-volant. D'autres le jettent sur le sol avec force et il éclate comme une bouteille brisée dont le verre répand ses reflets basanés de lumière. Il n'y a pas une bonne façon d'écrire un poème, mais là ce matin, pour moi, ici, maintenant, ce ne pouvait être qu'un parfum, une impression, une esquisse, puissante et évanescente tel le satori du sage. 

Il suffisait d'écrire :

Ce matin en déjeunant 
j'ai lu 

confinement d'abricot

et tout était dit. Du moment, de l'obsession, de la gravité, de l'absurdité. La farce et le drame. L'angoisse subtile qui colore cette réalité. Hier on a vu le discours du président, et on s'est dit merde comment on va faire, et ceci cela, et la mauvaise nuit, et ce réveille d'étrangeté familière, d'habitude angoissée. Ce moment où l'agressé voit son agresseur partout. Les images en surgissent naturellement, sans les dire, le confinement ça dégouline entre les doigts, et ça colle, et la tartine tombe toujours du côté du confinement etc. Et voilà du léger dans le lourd, qui fait sourire, qui fait du bien, qui chante juste. et même sans point, point. 

Par contre le hic c'est que ce texte didactique est en train de me le bousiller mon poème, ça fait une belle démonstration, c'est peut être utile, il fallait que je le mette au clair, en mot (je viens d'écrire en mort sans le vouloir) mais ça me bousille mon poème...

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