8/19/2022

Prix Loin du marketing

 

Prix Loin du marketing
Quatorzième édition
 
"Comme son nom l’indique, le prix Loin du marketing est voué à honorer un écrivain dont les éditeurs n’ont pas les moyens de se payer placards en chêne dans la presse pipeule, attachées de presse aux jolies menottes, cocktails aux tam-tams et diners de connivence, renvois d’ascenseurs et de monte-charges, et, donc, ont peu de chances de voir leurs livres chroniqués dans les médias, et moins encore d’être invités par les bonimenteurs des radios et télés, pas plus que d’intéresser la plupart des libraires l’œil scotché sur le compteur des « meilleures ventes » et contraints de « faire du chiffre » pour payer le loyer.
Le prix Loin du marketing est donc voué à honorer un écrivain qui n’a pas bénéficié des stratégies conçues pour que ça marche et qui ne peut compter que sur la qualité de ses écrits pour qu’on s’y intéresse.
Le prix Loin du marketing sera décerné chaque année le 15 août pendant le sommeil des commerciaux.
Le prix Loin du marketing est un prix strictement honorifique. Son lauréat sera au mieux gratifié d’une bonne bouffe arrosée à sa convenance s’il s’aventure jusqu’à Saint Nazaire. Sa seule récompense sera de pouvoir dire : c’est moi qui l’ai mérité !
Le quatorzième prix Loin du marketing a été attribué le 15 août 2022
à Thomas Vinau pour l’ensemble de son œuvre.
« Ce qui est bien avec ces auteurs injustement oubliés ou méprisés, c’est qu’il suffit de tomber sur eux pour être sauvé du présent. Des mondes se cachent dans chacune de leurs phrases, des mondes aux portes ouvertes et aux ciels battants. »* Cette citation de Thomas Vinau pourrait suffire à résumer ce que cherche à faire entendre le Prix Loin du marketing. Il est donc normal que ce prix lui soit attribué, à la suite -fortuite mais logique- d’un de ces Clochards célestes qu’il a superbement salués : ce vieil ours de Pierre Autin-Grenier, parti goûter les muscadets de l’éternité inutile.
Pourtant, à la différence de certains des lauréats précédents de ce Prix, Thomas Vinau n’est pas un paria absolu chez les chroniqueurs de littérature. Il a même eu droit à se voir qualifier d’Espoir des lettres par le Figaro (sans que ça semble être une perfidie). François Bon, qui n’est pas un mauvais juge des livres méritant l’attention, en a donné une belle lecture sur son site. Et il est lauréat de deux prix au moins aussi célèbres que le Prix Loin du marketing : Les Prix Joël Sadeler et René Leynaud.
Mais cet accueil n’est en rien le produit d’un travail de marketing. Il le doit à son seul talent. Oui, ce mot ici n’est pas galvaudé, bien qu’il fasse un peu trop Salon de Rambouillet. Thomas Vinau est talentueux, et il l’est sans frime, en Père tranquille. Livre après livre, il pousse une chanson qui « parle à notre viande »** tout en nous câlinant d’images aussi délicates que bariolées, sans craindre de nous pincer aussi les zygomatiques. C’est peu dire qu’on se trouve en complicité avec lui. On se sent dans ses livres comme dans sa propre barque un jour de canotier siestant, sans pourtant oublier les colères nécessaires. Thomas Vinau écrit comme on gobe une cerise, comme on caresse la tête du chat, comme on plonge dans l’eau glacée du torrent, comme on fout une beigne à un sale con. Il nomme avec brio et tendresse « les pauvres et belles poussières de nos vies »*** C’est un parfait plaisir de « partager nos combustions » avec lui."
 
Gérard Lambert-Ullmann
 
*Des étoiles et des chiens, 76 inconsolés, Castor Astral, 2018.
**Interview dans le Magazine Initiales N° 2, Novembre 2015.
***Vivement pas demain, La fosse aux ours, 2022.
 
 
 
lescoudeesfranches.ouvaton.org

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