Félicité et condiments

Assis, fatigué, à écouter la nuit dégringoler et vos rires se planter dedans, j'ai eu comme un élan. Je me suis dis comme ça, je vais leurs cuisiner des petites patates sautées. Hop, redressé, et en avant vaille que vaille, j'étais content de moi. J'ai attaqué le nettoyage de la poêle et puis j'ai hésité un petit moment entre l'huile et le beurre. Finissant par opter pour le beurre parce qu'on meurt qu'une fois et puis merde c'est meilleur. Je voulais mettre du persil mais il a gelé sur la fenêtre. Hop, les cubes de pommes de terre et le joli crépitement du légume qui rissole. Ça me fait du bien, je me suis dit. Cela suffit pour me faire du bien. Et la nuit continuait de dégringoler. Et vos rires qui me parvenaient de la salle de bain de se planter dedans. Et les patates de frémir sur le gaz. Et je te jure que j'y ai mis tout mon putain d'amour dans ces petits cubes de pommes de terre. Toute ma putain d'énergie vitale. Et elles me le rendaient bien. Et la buée sur les vitres de la cuisine. Et l'odeur de friture dans le salon. Et la nuit de janvier tout autour. Tout cela devrait amplement suffire, je me suis dis. Bordel, tout cela devrait amplement suffire à écrire douze romans remplis de vie jusqu'à la gueule. À éjaculer de félicité dans mon sommeil. Et j'étais sur le point de croire en Dieu lorsque j'ai ouvert le frigo. Plus de ketchup.