Merci Ici
Merci là
et un immense Merci à Frédéric Fiolof dont je reproduis ci dessous le bel article qu'il vient de poster sur son blog La Marche aux pages :
et un immense Merci à Frédéric Fiolof dont je reproduis ci dessous le bel article qu'il vient de poster sur son blog La Marche aux pages :
On se dit qu’on va dire quelque chose de son nouveau livre.
Puis on se dit que ce qu’on va en dire, on l’a déjà dit. On sait que l’on
triche. Que l’on veut en parler seulement parce que ça nous fait du bien de
lire son nouveau livre. Alors on le lit encore. On se dit que ce qu’on lit ici,
on l’a déjà lu dans d’autres livres du même poète, pour autant que ce mot lui
aille - tant il le tire vers autre chose, plus proche du sol, des dents de l’hiver,
de la poussière sous les ongles. Ce qu’on lit ici, il l’a déjà écrit dans d’autres
livres et il ne l’avait encore jamais écrit.
C’est tout neuf. Petit miracle. On marche dans ses mots comme un Petit Poucet
retrouvant les cailloux du chemin, pierres pointues ou paquets de plumes. Il paraît
qu’il y a des poètes avant-gardistes. Lui, il n’est pas à l’avant-garde, il est
« de garde ». Une espèce de veilleur de jour et de nuit, qui ne lâche
rien. Un vigile qui s’efforce de laisser entrer au lieu de pousser vers la
sortie. Un métier rare. Beau et fatigant. On se dit qu’on en dit quelque chose,
finalement, de son nouveau livre. Et qu’on n’en dit rien. Qu’en parler, ce
serait le redire. Et que c’est ce qu’il faut faire de ce livre. Le lire. Se le
redire. Reprendre pour soi quelques constats simples et aveuglants tombés au
fond du puits et que ses écarts ou ses formules ravivent. C’est entrer dans le silence de ce jour
« où Cioran n’écrivit rien »,
se souvenir que l’orgueil peut mourir « à
l’ombre d’une ortie », sentir « que
nous sommes la trace que ne laissent pas les éclairs tout au fond des nuits».
Se poser, enfin, « là où ce qui
brille se repose de traverser sans rien goûter ». Recopier le poème de
la page 76, Le pain noir, simplement pour le plaisir de le lire encore,
le plaisir d’espérer que d’autres le liront :
« Sur nos chemins de rien à hisser le
soleil. A tirer le jour du bon côté de la paupière, comme des ânes. Nos épaules
nous font mal, on les dresse à la redresse, à l’arrache, telle la peau rougie
de nos orteils. Notre mère est le bruit de la terre lorsqu’elle dégèle. Notre
père le vent qui déchire les chênes. Fraternité perdue. Le lait que nous
buvons, c’est l’air froid dans nos veines. On vit à la sauvette. A la petite
semaine. Personne ne meurt moins bête. On lèche le bout de nos doits pour
récolter les miettes. Les étoiles brillent sur nos cauchemars comme des grains
de sucre. On s’assoit et on rit. On se serre dans les bras. Nos coudes ne
donnent pas d’huile mais du sang et des croûtes. Une seconde sur deux passe à
la benne. Nous sommes le pain noir. Ce qui est perdu dans la peine. »
Quoi d’autre ?
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