9/21/2015

- Bleu de travail - Merci



Merci Ici 

 Merci

et un immense Merci à Frédéric Fiolof  dont je reproduis ci dessous le bel article qu'il vient de poster sur son blog La Marche aux pages :

On se dit qu’on va dire quelque chose de son nouveau livre. Puis on se dit que ce qu’on va en dire, on l’a déjà dit. On sait que l’on triche. Que l’on veut en parler seulement parce que ça nous fait du bien de lire son nouveau livre. Alors on le lit encore. On se dit que ce qu’on lit ici, on l’a déjà lu dans d’autres livres du même poète, pour autant que ce mot lui aille - tant il le tire vers autre chose, plus proche du sol, des dents de l’hiver, de la poussière sous les ongles. Ce qu’on lit ici, il l’a déjà écrit dans d’autres livres et il  ne l’avait encore jamais écrit. C’est tout neuf. Petit miracle. On marche dans ses mots comme un Petit Poucet retrouvant les cailloux du chemin, pierres pointues ou paquets de plumes. Il paraît qu’il y a des poètes avant-gardistes. Lui, il n’est pas à l’avant-garde, il est « de garde ». Une espèce de veilleur de jour et de nuit, qui ne lâche rien. Un vigile qui s’efforce de laisser entrer au lieu de pousser vers la sortie. Un métier rare. Beau et fatigant. On se dit qu’on en dit quelque chose, finalement, de son nouveau livre. Et qu’on n’en dit rien. Qu’en parler, ce serait le redire. Et que c’est ce qu’il faut faire de ce livre. Le lire. Se le redire. Reprendre pour soi quelques constats simples et aveuglants tombés au fond du puits et que ses écarts ou ses formules ravivent. C’est entrer dans le silence de ce jour « où Cioran n’écrivit rien », se souvenir que l’orgueil peut mourir « à l’ombre d’une ortie », sentir « que nous sommes la trace que ne laissent pas les éclairs tout au fond des nuits». Se poser, enfin, « là où ce qui brille se repose de traverser sans rien goûter ». Recopier le poème de la page 76, Le pain noir,  simplement pour le plaisir de le lire encore, le plaisir d’espérer que d’autres le liront :


 « Sur nos chemins de rien à hisser le soleil. A tirer le jour du bon côté de la paupière, comme des ânes. Nos épaules nous font mal, on les dresse à la redresse, à l’arrache, telle la peau rougie de nos orteils. Notre mère est le bruit de la terre lorsqu’elle dégèle. Notre père le vent qui déchire les chênes. Fraternité perdue. Le lait que nous buvons, c’est l’air froid dans nos veines. On vit à la sauvette. A la petite semaine. Personne ne meurt moins bête. On lèche le bout de nos doits pour récolter les miettes. Les étoiles brillent sur nos cauchemars comme des grains de sucre. On s’assoit et on rit. On se serre dans les bras. Nos coudes ne donnent pas d’huile mais du sang et des croûtes. Une seconde sur deux passe à la benne. Nous sommes le pain noir. Ce qui est perdu dans la peine. »


Quoi d’autre ?

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