8/26/2014

La part des nuages Par Philippe Chauché




" Fantaisie de la littérature, apparition (ϕανταὓία) de l’art, ainsi naissent les romans et les poèmes de Thomas Vinau. Ecrivain du réel pris sous les éclats éblouissants de l’imaginaire, comme ces petites pièces que l’on fait tourner dans sa main, et qui une fois lancées à bonne hauteur, retombent et font jaillir en touchant le sol, des dizaines d’éclats romanesques, des aventures microscopiques. La part des nuages est l’apparition de Joseph et Noé, le père et le fils. Le détachement et la fuite dans  les branches comme une fantaisie que le narrateur prend à la lettre : voici un cerisier, j’en fais ma cabane, une arche, comme Noé ses châteaux de sable. Fantaisie de la fiction, apparition d’une tortue vagabonde, d’une flutiste appliquée, d’un clochard qui chatouille de son rire les orteils du céleste, Altocumulus de tristesse, voyage au bout de la nuit nuageuse accompagné d’écrivains boussoles. " La part des nuages - Thomas Vinau - Alma Editeur 

2 commentaires:

Anonyme a dit…


Les nuages de Joseph, Noé, Richard Brautigan et de Thomas Vinau, sont les pierres de Rogers Caillois;

"Le dessin splendide au cœur de la pierre ne figura jamais papillon, tamanoir, Vierge du rocher... . qui, en vrai, n'ont d'apparence que celle que leur prête l'imagination de l'homme. Il n'y eut jamais d'image, jamais de signe... Amorphe, la matière n'obéit qu'aux lois physiques élémentaires".

Roger Caillois poursuit un peu plus loin;

"Je ne parviens pas à me défendre de la conviction que ces fougères fausses* avertissent l'esprit qu'il est de plus vastes lois qui gouvernent en même temps l'inerte et l'organique"

Prosper Divay commente; "Roger Caillois attends de la pierre une révélation de son mystère caché et croit à une autre vie pour elle.
C'est une forme d'espérance et de foi, une forme de religion."

"Une forme d'espérance et de foi...", on comprends alors mieux pourquoi page 13 de "La part des nuages", Joseph éprouve une légère peur qui commence à l'envahir quand il ne parvient "plus à distinguer la moindre forme, le plus petit visage, dans les nuages."

Pour reprendre la très belle formule de Philippe Chauché, Joseph éprouve une légère peur de plus être "pris sous les éclats éblouissants de l’imaginaire,..."

Anonyme a dit…

Roger Callois : la passion des pierres, 1974, extrait;

"Je crois que tout le monde peut lire le dessin des pierres, on lit les dessins des pierres de la même façon que les enfants s'amusent à lire la forme des nuages ou à lire les écorces des bouleaux ou des hêtres ou de la même façon que Léonard de Vinci conseillait aux peintres d'interpréter les tâches de moisissure et les lézardes des murs. Mais ça, c'est de l'imagination et je crois que la puissance de l'imagination humaine est infinie et qu'elle peut homologuée absolument n'importe quoi... On ne peut jamais dire que c'est faux, parce que l'homme a besoin de lire quelque chose dans ce qui est illisible, de trouver quelque chose de compréhensible dans ce qui ce présente comme inintelligible, il n'y a rien à faire. C'est un grand avantage, mais c'est aussi un grand risque car regardez ce qui c'est produit dans l'art, par exemple dans la critique actuellement ou dans la philosophie, on ne fait plus que de proposer des énigmes, et proposer des énigmes que l'on s'applique à rendre incompréhensibles, inintelligibles parce que l'on spécule sur ce besoin de toujours donner un sens à ce qui n'en a pas.
...
Il y a un texte qui m'a beaucoup frappé, c'est un texte de onze cent, du poète chinois Mi Fu ... et Mi Fu décrit un bloc de cristal où il mettait les pinceaux, et il dit; devant ce morceau de cristal, j'ai fait une randonnée mystique. La randonnée mystique est un voyage de chaman, un terme taoïste pour dire une extase, une extase où on est pris par le spectacle qu'on voit, où on a l'impression de chevaucher dans les airs, ou de voir comme en rêve des contrées inconnues, mystérieuses, fabuleuses, d'où on revient pour réintégrer l'enveloppe corporelle ensuite... Je ne dis pas que je pratique cette sorte d'extase chamanistique, mais quand je regarde très longtemps une pierre, je suis quelque fois dans un état.., j'oublie la température... Enfin, je ne regarde pas ça comme des états extraordinaires, quelqu'un qui joue à la roulette est très rapidement dans cet état là, je ne parle pas d'état mystique au sens religieux du mot, je parle d'état de fascination. Je crois que la lecture des pierres....donne une leçon de sérénité,...,donne une sensation de permanence, cette espèce de sérénité que nous apercevons dans la permanence des pierres, cette espèce de pureté que leur transparence nous donne, cette espèce également de perfection qui vient non seulement de leur limpidité, mais de leur géométrie, je crois que tout cela donne à l'homme un élément extrêmement puissant, qui le réconforte et qui l'aide à sortir du quotidien et du va et vient de la vie.

http://www.ina.fr/video/CPF87007364
Début de cette retranscription à 18'30